Général Bruno Dary : « Merci Padre ! » - France Catholique
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Carême. La puissance de l'oraison
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Général Bruno Dary : « Merci Padre ! »

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© Légion étrangère

Avec le père Lallemand, le « Padre », nous sommes arrivés ensemble à la Légion étrangère, en 1975. Après avoir été aumônier durant deux ans auprès des Chasseurs alpins, puis avec les parachutistes de l’infanterie de Marine, Yannick fut affecté en Corse, comme aumônier de toutes les formations stationnées sur l’île, à savoir la base de Solenzara, le 2e Régiment étranger et le célèbre 2e Régiment Étranger de Parachutistes. Quant à moi, après deux ans de préparation au Prytanée Militaire de La Flèche, je rejoignais l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr de Coëtquidan, de 1972 à 1974. À l’issue, j’avais choisi de servir dans l’infanterie et, après un an de formation à Montpellier, je fis le choix de rejoindre la Légion. Je rejoignis le 2° RE, puis fut affecté au bout d’un an au 2e REP. 

C’est donc à Corte, en 1975, que je rencontrai le père Lallemand. Mais ce fut surtout lorsque je fus placé à la tête d’une section de 40 engagés volontaires, que je le vis le plus souvent. Il vivait au milieu des « petits » et des « sans grade » ; il ne fréquentait que très peu le mess des officiers, et un peu plus celui des sous-officiers. En un an, peut-être l’a-t-on vu deux ou trois fois à la popote des lieutenants et pas beaucoup plus au repas de corps en présence du Colonel ! Il était sur le terrain, auprès de la troupe et lorsqu’il était au quartier, on pouvait le rencontrer surtout à l’ordinaire avec les légionnaires. 

Une des activités où l’on était sûr de le rencontrer était la marche « Képi Blanc » : chaque mois, débutait la formation initiale d’une section de « légionnaires engagés volontaires ». Après quatre semaines d’instruction et une marche d’une cinquantaine de kilomètres dans la montagne corse, les jeunes légionnaires se voyaient remettre leur képi blanc et entraient ainsi dans la grande famille légionnaire ! Mises à part les périodes où il était en manœuvre avec un autre régiment ou en opérations extérieures, Yannick Lallemand n’a pas dû manquer beaucoup de ces marches…. 

Ayant été affecté à Calvi, j’y ai retrouvé le Padre avec plaisir. Il y concentrait ses efforts sur les jeunes légionnaires affectés au 2e REP, qui devaient se faire breveter parachutiste avant de pouvoir rejoindre une unité de combat ! Très rapidement, notre aumônier connaissait tous les jeunes du régiment, car jamais il ne manquait leurs premières séances de sauts, celles qui permettent d’acquérir le prestigieux brevet. Cette présence affectueuse auprès des plus jeunes amena le père Lallemand à effectuer un grand nombre de sauts à ouverture automatique (SOA), si bien qu’aujourd’hui il doit être, en France, l’ancien qui en possède le plus à son actif ! 

L’action du Padre ne s’arrêtait pas aux premiers sauts ! Il était en permanence avec les unités de combat, notamment en manœuvre ! C’est ainsi que le 18 mai 1978, lorsque l’alerte pour l’opération sur Kolwezi fut déclenchée, il était en manœuvre au fin fond de la Corse avec le 2e Étranger ! Il eut juste le temps de revenir au quartier, de se préparer, puis, à la demande du colonel Erulin, il intégra le dispositif comme simple brancardier… Il sauta, bien sûr, avec la première vague, et put ainsi prendre soin de nos premiers tués et accompagner les blessés avant qu’ils ne soient évacués. 

Au régiment, ce qui caractérisait notre Padre était sa discrétion. Jamais, il ne s’imposait. Il demandait toujours l’accord de la hiérarchie pour participer à un exercice ! Quand les maris étaient absents, jamais il ne se permettait de se rendre chez eux auprès des épouses ou des enfants ! Nous étions nombreux à la chapelle du camp pour participer à la messe dominicale ! 

Avec Yannick, nous avons quitté le régiment sensiblement en même temps : moi-même, affecté au Centre d’Expérimentation du Pacifique en Polynésie, puis au 4e RE, et lui à l’École troupes aéroportées de Pau. Cette affectation l’amena à partir au Liban à l’automne 1983 où il vécut en première ligne l’attentat du Drakkar, qui causa la mort de 58 parachutistes. Cette expérience fut un vrai traumatisme, car il vit périr de nombreux jeunes hommes, sans avoir les moyens matériels de les sortir des décombres…  

L’année suivante, nous le prîmes comme parrain de notre quatrième garçon, puis « notre Padre » partit pendant près de 10 ans comme missionnaire au Tchad. À son retour, il put réintégrer l’aumônerie militaire, et quelques années plus tard, il retrouva ses chers légionnaires au 4e Étranger de Castelnaudary. Rattrapé lui aussi par la limite d’âge, il continua à servir la Légion, mais cette fois-ci auprès des plus anciens, dans la maison de retraite de Puyloubier, au pied de la montagne Sainte-Victoire. 

Son attachement à la Légion étrangère – et plus spécialement aux légionnaires – s’explique par ce qui la fonde, à savoir que celui qui s’engage a dû, la plupart du temps, couper les ponts avec sa vie antérieure, et ce qui pouvait le rattacher à son passé. Sans jamais l’avouer, il retrouvait dans cette démarche, celle qu’il avait suivie lorsque lui-même avait vingt ans et qu’il décida de quitter une vie confortable pour embrasser le sacerdoce. 

Merci Padre !