« La liberté ne se donne pas, elle se prend. » Cette phrase célèbre attribuée au Père Lacordaire fait figure de leitmotiv dans la prose de France Catholique, et plus généralement dans celle de la Fédération nationale catholique. Elle traduit la dimension combative de leurs dirigeants et de leurs auditoires. Quelles que soient les menaces pesant sur les libertés, elles trouveront face à elles des opposants résolus et formés. Et des menaces, il n’en a pas manqué durant près d’un siècle.
Le premier des combats de France Catholique concerne les libertés religieuses. Menacées par le Cartel des gauches, elles se retrouvent efficacement défendues par la FNC et dans les colonnes du journal, qui s’oppose avec force à la soumission de l’Alsace-Lorraine au régime de la laïcité, à l’application stricte de la loi sur les congrégations ou encore à la suppression de l’ambassade de France près le Saint-Siège. Ce combat, on le retrouvera aussi dans la défense de l’école libre, combat qui n’a jamais cessé jusqu’à nos jours.
Fondamentalement anticommuniste
Très rapidement, France Catholique est interpellée par deux événements extérieurs survenus deux ans avant la publication de son premier numéro : la victoire définitive des bolcheviks en Russie en 1922 et, la même année, la Marche sur Rome conduite par Mussolini et ses partisans.
Fondamentalement anticommuniste depuis sa création, la question de la position du journal par rapport au péril rouge ne se pose pas : aucun compromis n’est possible avec le communisme, antichrétien et liberticide dans ses racines marxistes comme dans sa praxis en URSS, « intrinsèquement pervers » comme le dira Pie XI en 1937.
France Catholique traite en revanche assez peu du régime fasciste dans ses premières années. Le général de Castelnau rencontre Mussolini en 1927. Si le soldat est d’abord plutôt séduit par les fondements du régime – l’ordre et la discipline – et par sa politique religieuse – les accords du Latran règlent la « question romaine » en 1929 –, il ne manque pas de repérer que l’État risque de devenir une fin en soi du fascisme, et non un outil au service de la mise en place d’un ordre chrétien. L’objectif de la FNC n’a jamais été d’abattre la démocratie – et encore moins d’importer le modèle italien – mais de s’insérer dans le système pour le réformer de l’intérieur, comme en témoignera plus tard sa position réservée face aux ligues d’extrême droite françaises.
Face à l’hydre nazie
La position de France Catholique, indissociable de celle de la FNC, ne souffre aucune ambiguïté face à la montée du nazisme à partir de 1933, face auquel, précisément, le général de Castelnau aimerait maintenir une alliance franco-italienne. Deux guerres sont passées par là, et le général continue de considérer l’Allemagne comme l’ennemi le plus dangereux de la France, ce qui justifie la recherche d’alliances, aussi délicates soient-elles. Cependant, le fondateur de la FNC fait preuve d’une défiance croissante à l’égard de l’enrégimentement de la population italienne : « Quand je voyais défiler devant moi cette enfance prise à 5 ans au pas, enrégimentée sans être lâchée jusqu’à la caserne : j’aime encore mieux ce qui se passe dans notre pays de ce point de vue-là », écrira-t-il après un voyage en Italie en 1936. Tout est dit du personnage.
Le rapprochement entre le Duce et le Führer achèvera de le convaincre. C’est l’époque où France Catholique a commencé à tirer à boulets rouges sur le racisme hitlérien, dénoncé comme fondamentalement incompatible avec le christianisme, dans la droite ligne de l’encyclique Mit brennender Sorge de 1937.
Terrible lucidité
Dès 1933, France Catholique, avec une grande lucidité, avait commencé à faire part de ses profondes inquiétudes face au nazisme, sous la plume du grand germaniste et futur résistant Robert d’Harcourt : « La Germanie s’enfonce dans la nuit et la sauvagerie… Sa folie est une folie lucide, elle sait que la guerre déclarée à toutes les libertés de vivre et de penser, les persécutions contre les Juifs, les lois sauvages de proscription contre les partis adverses rompent tous les fils », écrit-il dans le numéro du 29 avril 1933, trois jours après la fondation de la Gestapo par Goering… Terrible lucidité qui tranche avec l’irénisme des pacifistes de tous bords qui pensent le dialogue possible.
Durant ces sombres années, France Catholique suit avec la plus grande attention le sort des catholiques allemands. Si la position de la hiérarchie épiscopale en France, parfois proche de la compromission au nom du maintien du concordat, est observée avec les plus grandes réserves, rien du sort des fidèles n’échappe aux journalistes de l’hebdomadaire : les associations surveillées, les mouvements de jeunesse interdits, les journaux placés sous censure, les premiers assassinats et bientôt l’ouverture des camps de concentration.
« Un culte adverse »
À n’en pas douter, France Catholique fut un organe majeur pour préparer les semences de ce qui sera la future résistance chrétienne conservatrice au nazisme. L’une des plumes du journal estime même que le national-socialisme représente pour les chrétiens un danger plus grand encore que le péril communiste, car « c’est une lutte plus positive, plus directe, plus irréparable encore [qui] prétend substituer à un culte un culte adverse ».
Dans un ordre plus politique et diplomatique, l’hostilité fondamentale de France Catholique au régime nazi suscite des positions très tranchées face aux menées expansionnistes de l’Allemagne : l’occupation de la rive gauche du Rhin, l’annexion de l’Autriche sont l’objet des plus vives critiques, notamment de la part du général de Castelnau qui ne ménage pas sa plume, tandis que les accords de Munich ne sont considérés que comme un sursis avant une guerre inévitable. Autant de positions qui permettent, après la débâcle du printemps 1940, d’expliquer sa défiance à l’encontre du régime collaborationniste de Vichy et son engagement auprès de la résistance en dépit de son très grand âge.
Les périls de l’athéisme
Curieusement, avec Jean de Fabrègues, c’est une figure issue de l’Action française, ancien de la « Jeune droite catholique » passé fugacement par l’environnement vichyste – qui l’a profondément déçu – qui prend les rênes de la direction de France Catholique. L’homme, qui a fait ses armes dans la presse catholique hebdomadaire avant-guerre, engage le journal dans une voie toujours aussi catholique, mais en privilégiant désormais un anticommunisme virulent, qui fait écho au contexte international – c’est le début de la guerre froide – et aux menaces intérieures. Il n’y a pas de demi-mesure dans cette hostilité.
« On continue souvent de parler comme s’il y avait eu en ce moment dans les esprits et dans les réalités un communisme qui ne soit pas athée et dont les catholiques puissent faire leur affaire », s’étonne Fabrègues dans un éditorial de février 1961. Or, « le communisme, tel qu’il existe, tel qu’il se pratique maintenant, nous promet la disparition la plus complète qui soit de nos libertés individuelles », écrit dans un numéro de mai 1961 le chanoine Vancourt, Juste parmi les nations pour son engagement en faveur des Juifs persécutés sous l’Occupation.
Cet engagement anticommuniste sera présent dans les colonnes de France Catholique jusqu’en 1989, ponctué de moments paroxystiques comme la mobilisation pour Budapest (1956) ou pour Prague (1968), ou encore le soutien sans faille à Soljenitsyne.
Défis contemporains
Cent ans après la fondation de France Catholique, le combat n’est pas terminé, même si les menaces contre les libertés sont peut-être devenues plus protéiformes qu’au XXe siècle. Christianophobie, idéologie woke, transhumanisme, turbo-capitalisme et ultra-matérialisme… Les assauts ne manquent pas qui visent à restreindre les libertés de la personne humaine, à commencer peut-être par celui de l’islamisme radical, qui a fait des chrétiens du monde entier une cible prioritaire, comme en témoignent, hélas aujourd’hui les articles presque hebdomadaires consacrés à ses exactions sous toutes les latitudes. Autant d’attaques donc qui, comme au temps du général de Castelnau, se heurteront à de solides remparts dans les colonnes de l’hebdomadaire, toujours soucieux de cultiver « des racines pour le futur ».