Faut-il édulcorer la violence de certains psaumes ? - France Catholique
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Le trésor des psaumes
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Faut-il édulcorer la violence de certains psaumes ?

Certains passages des psaumes expriment une colère que l’on aurait tort de dissimuler, explique un moine du Barroux.
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Vous affirmez que le Christ prend tout dans les psaumes, y compris leur violence. Cela semble contre-intuitif. Expliquez-nous.

Un moine du Barroux : Il a pu être question récemment de mettre entre parenthèses les passages violents des psaumes pour ne pas choquer les fidèles, mais ils sont indispensables. En dépit de son ouverture au dialogue avec l’islam, le Père Christian de Chergé lui-même, dans son monastère de Tibhirine, a refusé d’édulcorer les psaumes alors que certains de ses frères moines l’y incitaient fortement au vu du contexte ultra-violent de la terreur des années 1990 en Algérie.

Le Christ « prend » tous les psaumes, parce qu’il récapitule et porte devant le Père toute la vie des hommes pour la rendre sainte. La colère, par exemple, est une passion saine, une réaction normale face au mal. Le Christ en a fait l’expérience, comme il a fait dans sa chair, celle du mal subi et de la souffrance. Mais à la différence des hommes, la colère qu’il va porter ne le conduit pas à commettre un nouveau mal, puisqu’il répugne à tout ce qui est mal et que son seul objectif est de pulvériser le mal. Non, le Christ prend la colère des hommes pour la rendre bonne. Il vient l’accomplir, et le lieu de cet accomplissement, c’est la Croix, là où, dans un déferlement de bonté et d’amour, il détruit le mal en l’engloutissant dans les flots de sa miséricorde.

À notre humble mesure, sommes-nous invités à une démarche comparable ?

On ne peut pas comprendre la violence des psaumes si l’on ne s’insère pas dans la parole du Christ. Aujourd’hui, comme au temps biblique, montent de la Terre des cris comparables à ceux des psaumes. Par égard pour toutes les victimes, il nous semble plus juste de ne pas taire cette colère si présente dans les psaumes. Voudrions-nous étouffer leur plainte pour dormir sur nos deux oreilles ? Jésus a porté la colère de toutes les victimes de l’histoire avec « un cœur parfait », faisant déferler sur les bourreaux les flots de sa miséricorde pour transformer les loups rapaces en agneaux, comme saint Paul en est l’exemple archétypique. L’Église doit à son tour prendre dans le Christ ces cris de souffrance et de colère pour les faire monter à la face du Père comme un sacrifice de louange, pour que redescendent en cascade des grâces de pardon et de miséricorde. Seul le pardon peut changer la face de la Terre. Pour que la colère ne soit pas destructrice, il faut la placer sous la Croix du Christ dont trois des sept dernières paroles, précisément, étaient extraites des psaumes (cf. Ps 21,2 ; Ps 30,6 et Ps 68,22).