La précédente ostension, en 2016, avait rassemblé 200 000 personnes. Vous en attendez quasiment le double cette année. Comment expliquer cette affluence ?
Abbé Guy-Emmanuel Cariot : Argenteuil abrite la Sainte Tunique depuis 1 200 ans. Cela ne peut se faire sans l’assentiment du Christ. C’est Dieu qui décide ce qu’Il veut, quand Il veut, quels que soient nos plans pastoraux, nos synodes, etc. Sans doute Dieu veut-il qu’une multitude se laisse toucher par ce vêtement que portait le Christ lors de sa Passion. Ce type de dévotion est une porte d’entrée pour bon nombre de gens. Et y a-t-il meilleure porte d’entrée que le Christ, meilleur moyen de Le comprendre ? « Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ », dit saint Paul (Rm 13, 14). Ce vêtement permet d’entrer en contact avec Lui. C’est assez simple, finalement. Je ne crois pas que nous ayons besoin d’inventer grand-chose. Rien de trop compliqué. Saint Philippe Néri – un saint que j’aime bien – disait à ses frères oratoriens, en se touchant le front, qu’il fallait apprendre à « se mortifier le rational ». Ce qui ne veut pas dire mépriser la raison, au contraire, mais ne pas céder à l’orgueil. Les choses simples ont la vertu de toucher le plus grand nombre. Laissons place à l’action de Dieu, soyons à son écoute par des gestes simples de piété. À nous, pasteurs, d’essayer de retenir un peu ceux qui l’approchent ainsi.
Que représente cette relique, spirituellement ?
C’est la tunique dont parle saint Jean dans son Évangile. Et s’il en parle, ce n’est pas pour rien ! Jésus la porta depuis la Cène jusqu’à la Crucifixion : c’est un témoignage concret de sa Passion, maculé de son sang. Je dirais même un livre ouvert sur sa Passion, dont nous faisons d’ailleurs la lecture le dimanche des Rameaux et le Vendredi saint. « Christ m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi », écrit saint Paul dans son épître aux Galates (Ga 2, 20). Ce sera le thème de cette ostension, et j’aimerais que les pèlerins se disent précisément cela devant la Sainte Tunique, qu’ils soient touchés à ce moment-là par cette grâce, et qu’elle prospère dans leur cœur : « Christ m’a aimé et s’est livré pour moi . » C’est ce que nous dit le Seigneur par cette relique. Il nous mène au cœur de la foi, c’est-à-dire au cœur de la Rédemption. On vénère la Sainte Tunique comme on embrasse la Croix le Vendredi saint.
C’est aussi une tunique « sans couture ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Sans couture, et tissée de haut en bas. Si saint Jean donne ces précisions, ce n’est pas non plus par hasard ! Sans couture et de haut en bas, cela signifie que l’Église est une et que son unité vient d’en haut. Sans doute avons-nous des efforts à faire pour entretenir cette unité à l’intérieur de l’Église, et la construire avec des communautés ecclésiales non catholiques. Mais à quoi serviraient ces efforts si nous ne nous tournions pas vers lui et si nous n’accueillions pas l’unité comme un don ? Dieu regarde son Église comme un époux regarde sa femme. L’Église est unique, et la tunique en est le signe. Cette unité ne peut venir que du sacrifice de la Croix, du sang de Jésus. On le comprend lors des ostensions, qui rassemblent des milliers de personnes très diverses. Et cette année, 25 évêques viendront célébrer la messe. C’est une grande grâce pour l’Église.
Il y a eu plus de 15 000 confessions en 2016. Quelles grâces peut-on espérer de cette nouvelle ostension ?
Il y a eu beaucoup de confessions, en effet, et il devrait y en avoir bien plus encore cette année. Je lance un appel aux prêtres : nous avons besoin de confesseurs, ils peuvent s’inscrire sur notre site. En 2016, beaucoup de gens m’ont fait état de guérisons. De libérations, aussi. Je suis d’autant plus sensible à ces confidences que je suis exorciste, et je sais que certains passent un mauvais quart d’heure devant la Sainte Tunique – ce qui est très bon signe, car ils obtiennent une libération ! Il est fréquent que les gens me disent qu’ils ont été « libérés d’un poids » au contact de la Sainte Tunique. Il y a aussi, dans la basilique, de nombreux ex-voto faisant état de guérisons et de conversions obtenues par l’intercession de la relique. Saint Thomas d’Aquin dit que Dieu a tant de respect pour les saintes reliques qu’il peut faire des miracles par elles. La grâce dont on me parle assez généralement, c’est la grâce de la paix – la paix du cœur – et donc aussi de la joie.
Cette ostension coïncide avec le jubilé de l’Espérance. Quel lien peut-on faire entre la Sainte Tunique et l’Espérance ?
Il y a quelque chose de très marial dans le culte de la Sainte Tunique. La tradition nous dit que c’est la Vierge qui l’a tissée. On peut aussi penser qu’elle l’a ramassée au pied de la Croix. Je l’imagine alors le Samedi saint, qui bien souvent évoque aussi notre temps, avec la tunique sur les genoux, touchant ce vêtement dont le sang commence à sécher. Marie sent alors qu’elle va devoir aussi tisser la tunique de l’Église – la tunique du Corps du Christ que devient l’Église. Elle sait que son Fils est en train de ressusciter, qu’il est descendu aux enfers annoncer la Vie. Le Samedi saint, il n’y a que la Vierge qui espère. Elle est vraiment Notre-Dame de l’Espérance.