La bataille des mots est capitale… et elle s’annonce âpre ! Le texte soumis au Conseil d’État permettrait « l’administration d’une substance létale, effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne ». Pour faire accepter par l’opinion publique ces nouvelles dispositions, tous les euphémismes sont bons – à commencer par l’expression « aide à mourir », comme si l’administration de barbituriques était la seule façon d’aider un patient à l’approche de son décès. Comme si les soins palliatifs, l’accompagnement psychologique, l’affection de l’entourage, l’assistance spirituelle, n’étaient pas des « aides à mourir »…
Cette nuance, de nombreux médias ne semblent pas en tenir compte, et entretiennent l’idée selon laquelle l’injection de substances létales serait un acte d’amour. En témoigne le cas de Gisèle, 94 ans, atteinte d’un cancer du pancréas, euthanasiée en Suisse au début du mois : France Bleu Mayenne (21/03) raconte sans recul son histoire, qui lui a été fournie clé en main par le délégué local de l’association ADMD – Aide à mourir dans la dignité –, un certain Michel Neveu, arc-bouté contre le « lobby catholique ». « Pour elle, c’était une injustice de mourir à l’étranger plutôt que de mourir chez elle entourée des siens. » Misère argumentative…
Les témoignages inondent les médias. Claudette Pierret, militante de l’ADMD – encore ! – est une « femme au grand cœur [qui] consacre sa vie, depuis douze ans, à aider les malades à se rendre à l’étranger, là où l’euthanasie est légale », explique le site d’actualité de Yahoo ! (21/03). Sa mission ? « Mettre un terme à leurs souffrances et les aider à franchir la marche de l’au-delà en toute sérénité. » Les soignants, qui œuvrent en soins palliatifs, apprécieront… L’AFP, dont on serait en droit d’attendre une certaine neutralité, n’est pas en reste avec ce reportage (21/03) aux Pays-Bas qui s’intéresse à « l’euthanasie en couple pour mourir en se disant “je t’aime” », et prend pour exemple deux femmes, Monique et Loes, « parties ensemble, main dans la main » grâce au Dr Bert Keizer, 77 ans, qui « a pratiqué l’euthanasie plus d’une centaine de fois » mais qui, cette fois-ci, a été « particulièrement bouleversé » par ces « superbes femmes ».
Retournement de sens
Le piège sémantique est évident. S’opposer au projet de loi, ce serait faire preuve d’inhumanité. Et pour occulter la violence des faits, on change les mots… On se souvient de Bernard Kouchner qui, en 2014, préconisait de ne plus utiliser le mot « euthanasie » car « il y a le mot nazi dedans, ce qui n’est pas très gentil » (sic).
Il arrive néanmoins que le naturel revienne au galop, comme le manifeste l’épouvantable campagne des Jeunes ADMD, lancée le 14 mars… et rapidement retirée. Et pour cause : sur les quatre visuels, on pouvait distinguer la voiture accidentée de Lady Diana, l’hélicoptère crashé de Daniel Balavoine, la baignoire dans laquelle Claude François s’est électrocuté, ou encore le bûcher de Jeanne d’Arc, assortis de ce slogan glaçant : « Elle/il n’a pas choisi sa mort. En 2024, on devrait avoir le choix ». Une telle abjection a le mérite de rappeler la nature réelle de l’idéologie des tenants les plus radicaux de « l’aide à mourir » : morbide et inhumaine.