Euthanasie, la logique suicidaire d'un monde sans Dieu - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Euthanasie, la logique suicidaire d’un monde sans Dieu

La lecture du « Maître de la terre » de Mgr Robert Hugh Benson peut nous éclairer sur la logique suicidaire d'un société qui n'a plus de limite.
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Mgr R.H. Benson (1871-1914), octobre 1912.

Mgr R.H. Benson (1871-1914), octobre 1912.

Récemment, un essayiste bien en cours dans le milieu parisien s’étonnait que les oppositions aux réformes sociétales – notamment l’euthanasie – venaient principalement des milieux religieux. C’était pour récuser l’autorité intellectuelle et morale de la religion en général, mais aussi – on l’aura deviné – du christianisme en particulier. L’intéressé n’entendait sans doute pas préconiser l’effacement total d’instances se réclamant d’une autorité divine. Il ne s’en situait pas moins dans une lignée liée à l’histoire de la modernité, qui n’a eu de cesse de proclamer l’avènement d’un monde sans Dieu. Le comte de Saint-Simon, au XIXe siècle, s’était voulu le théoricien d’une telle évolution, préconisant même l’avènement d’une nouvelle religion « un néochristianisme ». Ce nom ne doit pas faire illusion, puisque Dieu s’en trouve radicalement absent. Auguste Comte, avec sa religion de l’humanité, en formulera une autre version, où c’est ladite humanité qui se rend un culte à elle-même.

Même le concept de laïcité contient l’aveu d’une législation conçue hors de tout éclairage théologique, notamment biblique. Sans doute, y est-il question de séparation des domaines, ce qui exclut la lutte contre les religions. Mais jusqu’où la neutralité pousse-t-elle ses prétentions ?

C’est une des grandes questions de la philosophie politique contemporaine. L’Américain John Rawls (1921-2002) s’en est fait l’interprète, en établissant une distinction entre ce qui concerne la justice et ce qui concerne la vérité, cette dernière ressortissant des options philosophiques et religieuses, étrangères au politique. Une telle distinction est-elle recevable ? Rawls lui-même a admis la difficulté, esquissant une solution par la théorie des recoupements : une décision du législateur peut recevoir l’adhésion de diverses instances découvrant un point d’accord qui ne contredit pas leurs convictions.

On peut retrouver la même préoccupation dans le dialogue poursuivi entre le philosophe Jürgen Habermas et le cardinal Joseph Ratzinger, peu de temps avant l’accession de ce dernier au siège de Pierre, en 2005. Y aurait-il une opposition définitive entre la raison moderne occidentale et la Révélation chrétienne ? La conclusion des deux interlocuteurs les conduit à un accord précieux sur la complémentarité nécessaire de la foi et de la raison.

Fin de vie : un livre visionnaire

Mais il n’est nullement évident que cet accord soit réellement partagé aujourd’hui, lorsqu’on assiste à un dérapage généralisé de la législation en matière de mœurs dans un sens contraire, voire hostile, aux grandes prescriptions bibliques. Force est alors de réfléchir à la possibilité de l’extension progressive d’une société régie en contradiction absolue avec la foi. Ce pourrait être le moment de lire ou de relire l’étonnant roman d’anticipation écrit par Mgr Robert Hugh Benson au début du XXe siècle : Le Maître de la terre. Qualifié de roman dystopique et de science-fiction, l’ouvrage constitue la projection de ce que pourrait être un monde affranchi de la loi de Dieu. Visionnaire par bien des côtés, il décrit le développement des armes meurtrières et d’une humanité promise à une guerre universelle. Il est assez remarquable que nos deux derniers papes, Benoît XVI et François, aient marqué leur intérêt pour l’œuvre de Benson. Pour le premier, nous sommes en présence d’une civilisation dominée par l’Antéchrist et le second estime qu’on y voit « l’esprit du monde qui conduit à l’apostasie ».

On peut se référer au Maître de la terre particulièrement à propos de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, parce que le thème y est traité avec une force persuasive. La logique suicidaire d’une société n’a plus de limites : « D’un consentement unanime, les êtres inutiles, les mourants étaient délivrés de l’angoisse de vivre ; les maisons spécialement réservées à l’euthanasie lui prouvaient assez combien un tel affranchissement était légitime. » Le meilleur des mondes, ce monde sans Dieu ?

Le Maître de la terre. La crise des derniers temps, Robert Hugh Benson, éd. Téqui, 1993, 424 pages, 15 €.