Est-il acceptable qu’un catholique critique l’Église ou soit en désaccord avec ses enseignements ? Faire la distinction entre l’Église et sa hiérarchie aide à répondre à la question. Marie est le modèle de l’Église. Pierre est le modèle de la hiérarchie.
Après que Pierre a témoigné de la divinité du Christ, Jésus le nomme premier parmi les Apôtres : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les puissances du mal ne l’emporteront pas sur elle. » (Mt 16, 17-18). Le Christ a choisi Pierre pour sauvegarder la foi sur le « roc » d’un office ecclésial.
Mais Pierre est un destinataire profondément imparfait de cet honneur. Juste après l’installation de Pierre comme chef des Apôtres, Jésus révèle qu’Il doit monter à Jérusalem pour y souffrir et y mourir. Au lieu d’exercer sa nouvelle charge en accord avec les paroles de Jésus, Pierre objecte : « Dieu T’en garde, Seigneur ! Cela ne T’arrivera pas ! » (Mt 16, 22). La réprimande de Jésus est immédiate et raide : « Arrière, Satan ! Tu es un obstacle devant moi, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. » (Mt 16, 23).
Marie est toujours à côté de Dieu. L’ange Gabriel lui apparaît : « L’enfant qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35). Marie accepte la mission avec humilité : « Voici, je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole » (Lc, 1, 38). Dieu a choisi Marie pour être la Mère de Dieu, mais seulement avec sa fidèle acceptation.
Contrairement à Pierre, le rôle éminent de Marie n’est jamais cause de fierté peccamineuse ou de présomption. Marie nous enseigne à questionner Dieu avec respect, avec une foi qui cherche à comprendre : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » (Lc, 1, 34). A l’occasion des noces de Cana, Marie instruit les serviteurs, et nous avec : « Faites tout ce qu’il vous dira. » (Jn 2, 5). Marie s’en remet toujours à la volonté du Père connue au travers de Son Fils.
Pierre est un homme qui parle beaucoup et fait des promesses hardies. Lors de la Cène, Pierre proclame qu’il ne reniera jamais le Christ : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas » (Mc 14, 31). Marc ajoute que le reste des évêques récemment ordonnés partageaient ces sentiments : « Et tous disaient la même chose ». Mais au Jardin des Oliviers, après l’arrestation de Jésus : « Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent. » (Mt 26, 56).
À la différence de Pierre, Marie est le modèle d’une parole restreinte et de la foi enveloppée de silence. Au pied de la croix, Marie expérimente la réalisation de la prophétie de Siméon lorsqu’un glaive de douleur transperce son Cœur Immaculé (cf. Jn 19, 25). La foi unique et pure de Marie est le fil incassable qui relie la Nouvelle Alliance avec l’Ancienne. Parce qu’elle a médité les paroles de l’ange Gabriel dans son cœur, seule Marie peut être certaine que l’horreur de la crucifixion ne peut pas avoir le dernier mot.
La liturgie sacrée reconnaît le statut élevé de Marie, au-dessus de celui de Pierre et des Apôtres. La fête liturgique la plus importante de Pierre est celle de « la chaire de Saint Pierre » (22 février). Autrement dit, Pierre est d’abord honoré pour sa fidélité à sa mission, mission qu’il rate de temps en temps parce que ses nerfs craquent (le reniement de Pierre pendant la Passion) ou par illogisme (l’accusation de Paul du « manque de sincérité » vis-à-vis du respect des coutumes juives, Gal 2, 11-13).
St Pierre pleure devant la Vierge, par Le Guerchin, 1647 [Louvre, Paris]
Marie n’a en charge aucun office ecclésial. Elle est, simplement et de manière sublime, la Mère de Dieu. Pourtant, les jours de fêtes de Marie sont nombreux et honorent chaque saison liturgique. Son Immaculée Conception nous rappelle comment l’Église – de la Croix à la Pentecôte – est conçue en grâce et en sainteté. Et sa glorieuse Assomption au ciel, corps et âme, dirige notre attention vers la destinée de l’Église, purifiée de tout mal et glorifiée dans la nouvelle Jérusalem céleste.
Marie est à jamais sans péché, mais les membres de la hiérarchie ne le sont jamais. L’autorité de Pierre et des Apôtres ne repose pas sur une piété personnelle ni même une orthodoxie personnelle. Elle provient de l’attribution par l’Église de la « chaire » du Christ, l’office épiscopal et presbytéral, et même papal. Les exigences de leurs charges sont remplies par l’exercice fidèle de leurs fonctions selon l’esprit de l’Église.
Mais les évêques et les prêtres qui prêchent l’erreur sont comme des pères ou des maris négligents ou abusifs. Lorsqu’ils déforment la paternité de Dieu, ils abandonnent le droit d’être appelés « Père ». Et ce n’est pas manquer à la charité ni trahir que de le dire.
Nous devons pourtant obéir aux prélats, même lorsqu’ils sont corrompus (ou mal informés, ou simplement lorsqu’ils ont complètement tort), tant qu’ils ne nous ordonnent pas d’être corrompus ou mal informés ou d’avoir tort, et restent dans les limites légitimes de leur autorité. « Les scribes et les pharisiens siègent dans la chaire de Moïse ; Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent; mais n’agissez pas selon leurs œuvres. Car ils disent, et ne font pas. » (Mt 23, 3).
Dans le vrai sens du terme, Marie est le modèle des enseignements magistraux sans faille de l’Église, transmis aux évêques et aux prêtres pour qu’ils enseignent selon leur intelligence – aussi pécheresse soit-elle – avec la grâce de Dieu. Par conséquent, les enseignements authentiques du Christ révélés au travers de la tradition sacrée et de la hiérarchie de l’Église sont indéfectibles, magnifiques et bons. Du coup, critiquer un enseignement de l’Église authentique revient à critiquer l’obéissance de Marie, et critiquer la foi de Marie revient à critiquer le Christ.
La hiérarchie de l’Église catholique – même aux plus hauts échelons, ainsi qu’en témoigne clairement l’exemple de saint Pierre – est tout à fait capable de faillir à sa mission d’enseignement et il serait stupide de prétendre autre chose. Mais d’une façon ou d’une autre, à travers les sursauts de l’Histoire, les échecs ne demeureront pas parce que les portes de l’Enfer ne prévaudront jamais sur l’Église, l’Épouse sainte et sans tache du Christ. C’est notre foi. C’est la même foi que celle qui a fortifiée Marie au pied de la Croix.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/09/17/disagreeing-with-the-church/
Le père Jerry J. Pokorsky est prêtre du diocèse d’Arlington. Il est le curé de la paroisse Ste Catherine de Sienne à Great Falls, Virginie.
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Tableau : Saint Pierre pleurant devant la Vierge de Guercino, 1647 [Louvre, Paris].