États-Unis : un pays religieux ? - France Catholique
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États-Unis : un pays religieux ?

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Dans cet ouvrage de référence que demeure De la démocratie en Amérique (1835), Alexis de Tocqueville écrivait : « À mon arrivée aux États-Unis, ce fut l’aspect religieux du pays qui frappa d’abord mes regards. À mesure que je prolongeais mon séjour, j’apercevais les grandes conséquences politiques qui découlaient de ces faits nouveaux. » Pourtant, note-t-il encore, politique et religieux sont soigneusement séparés en Amérique, ce qui pourrait expliquer l’influence du spirituel qui demeure exempt de toute suspicion de domination temporelle. Cette analyse tocquevillienne a pu être longtemps prolongée, tant les États-Unis semblaient toujours marqués par l’influence du religieux, réputée plus importante qu’en Europe. Mais l’évolution actuelle vient en démenti de cette opinion largement partagée.

Le jugement d’un Emmanuel Todd (La Défaite de l’Occident, Gallimard, 2024), même si l’auteur est vivement contesté, ne peut que retenir l’attention à partir des données factuelles qu’il expose et de la conclusion qu’il en tire. À partir d’un certain moment, les États-Unis ont conservé les valeurs incluses dans leur culture protestante, en dépit du reflux continu de la pratique religieuse. Mais nous n’en sommes plus là : « La crise actuelle correspond, en revanche, à l’atterrissage dans l’état zéro du protestantisme. » L’affirmation est rude. Mais elle est confirmée par les statistiques qui attestent un véritable effondrement de ce qu’on peut appeler le protestantisme classique d’origine européenne (d’inspiration luthérienne mais surtout calviniste) et par l’évolution des mœurs. Il est vrai que l’essor des mouvements évangéliques est venu, pour partie, compenser le déclin protestant, mais pas au point de jouer le rôle assumé si longtemps par la culture WASP (blanche, anglo-saxonne, protestante).

La campagne des élections présidentielles met en évidence les changements profonds qui ont affecté la société américaine. Et le phénomène Trump est lui-même lié à une reconfiguration politique à la mesure d’un malaise profond. Il est difficile de prévoir l’avenir prochain, mais on peut avoir la certitude que l’Amérique de demain ne sera plus la même et l’on peut s’interroger sur son rôle dans un univers de plus en plus dangereux.

L’influence catholique

Le dossier que nous proposons dans ce numéro atteste d’une assez remarquable stabilité du catholicisme américain qui, s’il n’a pas gagné proportionnellement en termes de fidèles, n’a pas connu l’équivalent de l’effondrement protestant. Certaines conversions apparaissent à la mesure de la vitalité de la foi. Un effort pastoral, guidé par l’épiscopat, s’est concrétisé par le renouveau de la dévotion eucharistique. On peut avoir le sentiment d’une solidité doctrinale et disciplinaire, ce qui n’est pas toujours le cas en Europe.

Tocqueville notait comment, en son temps, le catholicisme s’était inséré sans difficulté dans le pays des Pères fondateurs, malgré la prédominance protestante. Serait-il, dans les circonstances présentes, un atout pour la vitalité, l’équilibre, les sursauts civilisationnels de la grande puissance mondiale ? On peut le penser et l’espérer, même si la traduction politique de cette bonne tenue du catholicisme n’est pas facile à discerner.