Le bienheureux Carlo Acutis, qui doit être canonisé le 27 avril prochain, ne s’y trompait pas : l’Eucharistie était son « autoroute vers le Ciel », ayant pris la décision dès sa Première Communion, à l’âge de 7 ans, de se rendre quotidiennement à la messe. Ce faisant, le jeune Italien emprunta un chemin pavé moins d’un siècle plus tôt par saint Pie X (1903-1914) à qui l’on doit d’avoir, dans un même mouvement, généralisé la communion quotidienne et de l’avoir ouverte aux enfants.
« Le venin du jansénisme »
Le « pape de l’Eucharistie » a procédé en deux étapes. D’abord, avec la publication en 1905 du motu proprio Sacra Tridentina synodus. Fustigeant « le venin du jansénisme », dont le rigorisme éloignait les fidèles en fixant des dispositions de plus en plus sévères, le document rappelait combien l’Église « désire que tous les fidèles s’approchent chaque jour [du] banquet céleste et en retirent des effets plus abondants de sanctification ». Deux conditions ont toutefois été rappelées par Rome : que le fidèle soit en état de grâce – c’est-à-dire sans péché mortel sur la conscience – et qu’il soit motivé par une intention droite – qu’il s’approche de l’autel non « par habitude », « par vanité, ou pour des raisons humaines », mais avec foi et le désir de « combattre ses défauts et ses infirmités ».
Communion dès 7 ans
Restait une injustice, corrigée par le décret Quam singulari, promulgué en 1910 : l’impossibilité pour les enfants ayant atteint l’âge de raison – 7 ans – de recevoir la Première Communion. Une telle mesure avait pourtant été recommandée par le concile de Latran, au XIIIe siècle, ainsi que par celui de Trente, au XVIe siècle. Mais, dans les faits, les diocèses n’en finissaient pas de reculer la Première Communion, entre 10 et 14 ans. Un âge tardif au prétexte, rappelait le décret, qu’il fallait que les enfants puissent apporter « une connaissance plus complète de la religion et une plus mûre préparation ».
Or, pour saint Pie X, priver les enfants de l’Eucharistie revenait à les couper d’une « sève intérieure » et d’un « secours efficace » contre le « vice ». Là encore, le pape déplorait les dégâts du jansénisme et son retournement du sens de l’Eucharistie, qui n’est alors plus « un remède à la fragilité humaine », mais « une récompense ».
Une anecdote, rapportée par René Bazin dans son Saint Pie X (éd. Via Romana, rééd. 2023), révèle comment le pape, avant même d’être élu sur trône de saint Pierre, n’attendait pas des enfants souhaitant communier qu’ils soient des docteurs en théologie. Probablement du temps où il était encore patriarche de Venise, Mgr Giuseppe Sarto reçut une mère, venant plaider pour sa fille qui, malgré ses 7 ans, souhaitait faire sa Première Communion le lendemain. Se tournant alors vers la petite fille, l’évêque demanda : « Combien y a-t-il de natures en Jésus-Christ ? – Deux : la divine et l’humaine » répondit-elle. Elle communiera le lendemain, des mains mêmes du futur pape. Le critère qui sera fixé par Quam singulari à l’enfant ayant atteint l’âge de raison pour pouvoir faire sa Première Communion diffèrera mais restera relativement simple : qu’il sache opérer la différence entre le pain ordinaire et le pain eucharistique.
Un secours pour les enfants
Quam singulari évoque aussi le rôle des éducateurs – au premier rang desquels figurent les parents –, qui ont « obligation du précepte de la confession et de la communion », ainsi que celle de « faire approcher très fréquemment [les enfants] de la Sainte Table après leur Première Communion, et, si c’est possible, même tous les jours ». Moyen essentiel pour la sainteté, la communion fréquente dès l’âge de raison est donc tout à la fois un secours pour les enfants et une exigence pour les éducateurs.