Habitués aux paisibles puys d’Auvergne, les Français, du moins ceux de métropole, ne pouvaient imaginer qu’un volcan puissent venir perturber leur vie. C’était oublier que si un battement d’aile de papillon peut avoir des répercussions à l’autre bout de la planète, a fortiori un volcan en éruption, aux portes de l’Europe, peut-il venir faire sentir ses effets déstabilisants jusque chez nous.
C’est ce qui s’est passé avec le réveil du volcan Eyjafjöll, situé au Sud de l’Islande, qui est entré en éruption le 20 mars dernier. Rien de vraiment surprenant quand on sait que l’Islande est au cœur d’une des régions tectoniques les plus actives du monde avec plus de 200 volcans et 600 sources d’eau chaude. L’éruption s’est produite sur un flan du volcan, à 1 100 mètres d’altitude, via une fissure de 800 mètres de long, entraînant des jets de lave à plus de 200 mètres de hauteur, accompagnés par une intense activité effusive où le magma a atteint une température de plus de 1 000 ° C.
Les risques encourus dans ce type d’événement sont d’abord les émanations gazeuses qui peuvent être mortelles, notamment pour le bétail paissant à proximité et les inondations brutales susceptibles d’être provoquées par la fonte du glacier qui recouvre le volcan. Mais le 23 mars, la rencontre du magma remontant de la fissure et du glacier a généré une explosion entraînant l’apparition d’une colonne de vapeur d’eau de 7 kilomètres de hauteur.
Ce phénomène, combiné à la projection des cendres et de la lave, a commencé à obscurcir le ciel, de telle sorte que l’espace aérien a dû progressivement être fermé, empêchant toute navigation aérienne sur une zone s’élargissant au fur et à mesure de l’extension des fumées. C’est ainsi qu’à leur tour, les aéroports français ont dû suspendre leur activité, générant un blocage général du transport aérien pendant plusieurs jours.
Mais le plus surprenant dans l’affaire, c’est que cet épisode a suscité une effervescence inattendue. On aurait pu comprendre que cet arrêt momentané du fonctionnement des structures aéroportuaires perturbât le commerce international et provoquât des retards dans l’approvisionnement des marché. Las ! C’était sans compter les vacances de Pâques. Car en pleine crise économique, dont on nous dit qu’elle appauvrit chaque jour un peu plus nos compatriotes, il s’est trouvé 150 000 Français bloqués à l’étranger dans l’impossibilité de rentrer chez eux . Il est bien loin le temps où ces petites vacances de milieu de printemps étaient l’occasion d’aller rendre visite à sa vieille tante de la Nièvre où à son cousin du Morbihan. Surprenant, mais indécent aussi quand tous ces voyageurs réclament comme un dû leur rapatriement. En transformant le voyage en produit de consommation, le tourisme a fait du voyageur un consommateur exigeant, oublieux du fait qu’un long déplacement n’est jamais chose anodine, le touriste se rendant aussi parfois dans des contrées à risque sans accepter d’en assumer les conséquences, attendant de l’Etat qu’il le fasse à sa place.
Une fois de plus, un mois après la tempête Xynthia, la nature vient de rappeler à l’Homme qu’elle n’est pas faite que de douceur et que si elle peut lui procurer bien des sources de loisir, elle peut aussi en compromettre le déroulement. Pas sûr que la leçon soit pourtant, une fois encore, bien comprise, car les pouvoirs publics, plutôt que de faire ce rappel salutaire, ont préféré communiquer sur leur empressement à résoudre le problème du rapatriement de ce que d’aucuns appellent déjà les « naufragé du ciel ». Le ministère de l’écologie et du développement durable, se considérant apparemment en l’espèce comme étant d’abord celui des transports, s’est ainsi attaché à démontrer qu’il avait fait mettre 20 vols additionnels avant la rentrée. Pas sûr que cela suffise dans le temps : la dernière éruption de l’Eyjafjoll a eu lieu en 1821 et avait alors duré plus d’un an…
Fabrice de CHANCEUIL