En Nouvelle-Calédonie, pas de paix sans les chrétiens ? - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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En Nouvelle-Calédonie, pas de paix sans les chrétiens ?

Emmanuel Macron a demandé aux responsables politiques de trouver un accord d’ici fin juin pour ramener la paix sur le territoire. Mais l’exécutif sous-estime l’importance du christianisme sur le Caillou.
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Vue satellite du Grand Nouméa

Vue satellite du Grand Nouméa, qui concentre deux tiers des habitants de la Nouvelle-Calédonie.

© Axelspace Corporation / CC by-sa

Comment Emmanuel Macron gère-t-il la crise qui secoue la Nouvelle-Calédonie depuis son déplacement sur l’archipel, les 23 et 24 mai ? Rien ne filtre des négociations censées réconcilier les indépendantistes et les loyalistes jusqu’à la tenue, hypothétique, d’un référendum sur le dégel du corps électoral – réforme dont les indépendantistes du FLNKS exigent désormais l’abandon. Sur place, le malaise reste profond. « Ce qu’il se passe aujourd’hui à Nouméa arrivera, demain, en métropole », avertit Sonia Backès dans Le Figaro (28/5). Chef de file des anti-indépendantistes, la présidente de la Province Sud de Nouvelle-Calédonie accuse « les apôtres de la désolation […] de monter les populations les unes contre les autres […]. J’appelle humblement tous les Français à entrer en résistance aux côtés des Calédoniens pour porter une certaine idée de la France et de ses valeurs ».

Toujours dans Le Figaro (30/05), Nicolas Sarkozy rappelle la réalité d’un territoire où « ceux qui sont censés être colonisés dirigent le gouvernement local, le Congrès, deux provinces sur trois… Ce alors même qu’ils sont minoritaires, comme l’ont montré les résultats des trois consultations référendaires ». L’ancien chef de l’État appelle « à ne pas surinterpréter politiquement ce qui relève du pillage, de la délinquance et de la criminalité ».

« Attachés à la religion »

Aucun responsable politique ne semble miser sur le talent des trois hauts fonctionnaires venus de Paris pour sortir du guêpier néo-calédonien. Et pour cause ! Le pouvoir néglige curieusement la dimension religieuse des habitants du territoire, et tout particulièrement des Kanaks indépendantistes. Dans Le Point (23/05), Jérôme Cordelier rapporte l’étonnement d’un ancien haut-commissaire qui constate que, « parmi les 34 personnalités invitées à rencontrer Emmanuel Macron à son arrivée à Nouméa, ne figure aucun représentant des cultes ».

Ce haut-commissaire anonyme souligne que « l’influence des cultes a diminué chez les loyalistes, mais les indépendantistes restent attachés à la religion protestante et catholique ». Jérôme Cordelier rappelle que Roch Wamytan, qui est à la fois le président du Congrès et du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), est « un catholique fervent qui cite dans ses meetings politiques l’Évangile de saint Jean et le Deutéronome ».

Catholiques et protestants

La religion chrétienne se mêle naturellement au champ politique en Nouvelle-Calédonie. Les missionnaires sont arrivés en 1843, dix ans avant la prise de possession du territoire par la France. Les religieux catholiques maristes s’installèrent sur la Grande Terre, tandis que les protestants posèrent leurs bases sur les îles Loyauté – Maré, Lifou et Ouvéa. Plus tard, les prêtres et les pasteurs seront en première ligne pour défendre les droits civiques des Kanaks et la scolarisation de leurs enfants.

Aussi, le pasteur Frédéric Rognon en appelle-t-il, dans une tribune publiée dans Le Monde (22/05), à tenir compte de l’histoire : « Le pouvoir aurait tort de négliger les cultes », prévient-il en invitant le gouvernement à suivre l’exemple du Premier ministre Michel Rocard – protestant – qui, en 1988, « était suffisamment informé du contexte local et avait eu l’intelligence politique de jouer cette carte-là ». Frédéric Rognon souligne que la mission du dialogue dépêchée en Nouvelle-Calédonie pour mettre au point les accords de Matignon – après quatre ans d’une guerre civile qui fit 90 morts – « comprenait six membres, dont le chanoine Paul Guiberteau et le pasteur Jacques Stewart. Ce qui serait inconcevable en métropole s’imposait dans ce territoire du Pacifique ».

« L’île la plus proche de l’enfer »

Tous les leaders indépendantistes ont en effet été liés à l’Église ou au culte protestant depuis la colonisation de l’archipel : Jean-Marie Tjibaou était un ancien prêtre catholique et celui qui l’a assassiné en 1989, Djubelly Wéa, un ancien pasteur…

Aujourd’hui, prêtres et pasteurs regrettent de ne pas être associés au travail de concertation mené pour ramener la paix dans un territoire composé à moitié de catholiques et de protestants. La Croix (30/05) rapporte les initiatives de prières œcuméniques et le message adressé par les Églises le jour de la Pentecôte et lu à tous les offices : « L’île la plus proche du paradis est devenue l’île la plus proche de l’enfer. Tant de propos politiques sont disqualifiés. Ils ne sont plus audibles, crédibles. Il ne reste que l’autorité de l’Évangile .»

Emmanuel Macron aura-t-il, comme Michel Rocard, la sagesse de s’en souvenir ?