Édouard de Castelnau

Édouard de Castelnau naît à Saint-Affrique le jour de Noël 1851. Son père, Michel, qui est avocat et sera maire de la ville de 1882 à 1884, mène une vie aisée de propriétaire terrien : il se consacre à l’éducation de ses enfants qu’il veut voir quitter l’étroit milieu saint-affricain. Petit, sec, râblé, sportif – ce qu’il restera toute sa vie – Édouard, après une scolarité brillante au collège Saint-Gabriel à Saint-Affrique puis au collège Sainte-Geneviève à Paris (alors que son frère Clément prépare Polytechnique pour devenir un brillant ingénieur des Mines), entre à Saint-Cyr en 1869. Il achevait sa première année d’école quand la guerre franco-allemande éclata. Le ministre de la Guerre décréta la promotion anticipée des élèves de première année ; le sous-lieutenant de Castelnau fut affecté à un régiment qui périt dans la bataille de Sedan et qu’il ne put rejoindre. Après l’abdication de Napoléon III, le gouvernement de la Défense nationale créa de nouvelles armées pour résister aux Prussiens qui envahissaient la France. Le lieutenant de Castelnau combattit dans l’Armée de la Loire pendant le dur hiver 1870-1871. Promu capitaine en raison de son dynamisme et de son courage, il prit une part active à la bataille du Mans, dernier combat avant l’armistice de janvier 1871. La Commission de révision des grades ne pouvait conserver le grade de capitaine à un officier de vingt ans mais compte tenu de sa conduite au feu, elle lui attribua le grade de lieutenant avec ancienneté. Affecté à un régiment d’infanterie à Laon, il fut nommé capitaine en 1876, entra à l’École de Guerre en 1878 et en sortit breveté en 1880. Affecté au 39e régiment d’infanterie de Toulouse, il va rester dix ans à Toulouse, alternant les commandements de troupes et les fonctions d’état-major au 17e corps d’armée. Ce long séjour s’explique par des considérations pratiques ; à l’époque, les soldes des officiers étaient faibles et ne permettaient pas d’entretenir sa famille dans des conditions convenables ; or, Édouard de Castelnau épouse à Toulouse, une parente de sa mère : Marie Françoise Barthe de Mangdebourg qui hérite de propriétés foncières à Montastruc-la-Conseillère, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse. Le jeune officier, incité à démissionner par sa famille, put donc continuer sa carrière tout en surveillant la gestion des propriétés de sa femme qui lui donna douze enfants. Devenu spécialiste de la mobilisation, le chef de bataillon de Castelnau est affecté en 1893 au 1er bureau de l’état-major de l’Armée à Paris. Ce bureau avait pour mission de préparer le passage de l’armée française de la posture de temps de paix à celle de la guerre contre un ennemi qui ne pouvait être que l’Allemagne. En effet, en temps de paix, l’armée était répartie sur tout le territoire : un régiment d’infanterie à Rodez, une division à Albi, un corps d’armée à Toulouse ; ces unités étaient pourvues d’officiers et sous-officiers d’active qui entraînaient les conscrits faisant leur service militaire, à l’époque de deux ans. Au moment de la déclaration de guerre, il fallait positionner toutes les unités face à la frontière allemande, ce qui était un problème logistique considérable puisqu’il fallait organiser le mouvement de près d’un million d’hommes avec leur matériel : problème de chemin de fer et de répartition des troupes. Chaque unité d’active devait donner naissance, dans sa caserne de départ, à une unité de réserve constituée après appel de nouvelles classes d’hommes de troupes et d’officiers. On gardait un mauvais souvenir du début de la guerre de 1870 ; le rassemblement de l’armée impériale face à l’Est s’était produit dans le désordre. Après son temps de commandement, le lieutenant-colonel de Castelnau devint chef du premier bureau de l’état-major de l’Armée. À l’arrivée du général André, en 1899, au ministère de la Guerre, il fut écarté du premier bureau, le ministre voulant épurer une « jésuitière » ; il faut reconnaître que l’état-major de l’Armée avait été pendant trop longtemps, par conformisme et étroitesse d’esprit, convaincu de la culpabilité de Dreyfus. Nommé colonel en 1900, Édouard de Castelnau prend le commandement du 37e régiment d’infanterie à Nancy dont il fait une unité exceptionnelle grâce à des exercices fréquents, des marches prolongées, colonel en tête. Castelnau est attentif à la vie du soldat, fait installer l’électricité dans les casernes – c’est une première – et veille à l’hygiène et à la nourriture des troupes. À l’issue de son temps de commandement, Castelnau pense qu’il n’obtiendra pas les étoiles de général ; le ministre de la Guerre – le général André qui restera cinq ans à ce poste – poursuit une politique de discrimination à l’égard des officiers ayant des convictions religieuses affirmées, ce que révèle en 1904 le scandale de l’affaire des fiches ; le cabinet du Ministre se faisait renseigner par les loges maçonniques sur les opinions religieuses et politiques des officiers. Castelnau y est cité comme officier à ne pas promouvoir « car catholique pratiquant ». Ces fiches révélaient que les opinions politiques des officiers formaient le critère exclusif des promotions accordées mais aussi des carrières brisées ou placées sur une voie de garage. Plus de cent officiers généraux devront être « limogés » pour insuffisances au début de la guerre de 1914. Arrive 1905 et le coup de Tanger ; on découvre que l’armée française n’est pas prête pour affronter le Reich de plus en plus arrogant et vindicatif. Le successeur du général André nomme, en 1906, Castelnau général de brigade commandant la 7e brigade à Soissons. Devenu général de division, en 1909, il commande la 13e division à Chaumont. Il a l’occasion de faire une conférence à l’École de Guerre, que dirige Foch, dans laquelle il s’oppose à la doctrine de l’engagement immédiat et de l’offensive à outrance prônée par le colonel Grandmaison. Il estime que les unités de réserve ne peuvent être immédiatement lancées dans la bataille avant d’avoir été entraînées et d’avoir une cohésion suffisante. De son côté, Pétain enseigne que le « feu tue » et que l’artillerie est nécessaire mais qu’elle se déplace lentement. Ce faisant, Castelnau s’oppose au généralissime désigné, le général Michel, partisan de l’offensive toutes … Lire la suite de Édouard de Castelnau