Saint Pierre est partout à Rome. Dans la basilique vaticane, lieu de son martyre ; sur les hauteurs de Saint-Pierre-aux-Liens où ses chaînes sont exposées ; dans la Prison Mamertine, où il fut emprisonné.
Or, son martyre n’aurait pas eu lieu, et les lieux qui en commémorent les différentes étapes n’existeraient pas, sans un épisode étonnant raconté dans Les Actes de Pierre. Selon ce texte apocryphe, saint Pierre fuit Rome pour éviter les persécutions de Néron déclenchées après le grand incendie de 64.
Or, sur la Via Appia qu’il a empruntée pour quitter la ville, Pierre aperçoit un homme qui marche dans le sens opposé, en direction de Rome. Un homme qu’il reconnaît comme le Christ ! « Domine quo vadis ? », lui demande le disciple, abasourdi : « Seigneur où vas-tu ? » « Venio Romam iterum crucifigi », répond le Christ : « Je vais à Rome me faire crucifier de nouveau. » Comprenant sa lâcheté, saint Pierre rebrousse alors chemin et va courageusement vers son martyre. Il sera bientôt arrêté et crucifié, glorifiant ainsi le Seigneur.
Deux empreintes de pied
Aujourd’hui, cette rencontre est célébrée tout particulièrement dans l’église du Domine Quo Vadis, au croisement de la Via Appia et de la Via Ardeatina. Une toute petite église, presque une chapelle, qui est loin de ressembler aux fastueuses églises romaines situées sur de belles et grandes places.
Dans cet édicule de quelques dizaines de places seulement, les pèlerins peuvent vénérer une pierre marquée de deux empreintes de pied : celles qu’aurait laissées le Christ lors de sa rencontre avec Pierre. Plusieurs peintures représentent la rencontre du Christ avec Pierre, puis les deux crucifixions – celle de saint Pierre la tête en bas, puisque l’apôtre se jugea indigne de mourir de la même manière que Jésus. « Sainte-Marie-des-Palmes », celles du martyre : c’est l’autre nom de cette église.
Cette histoire illustre de manière éclatante le dilemme des responsables des premières communautés chrétiennes face à la persécution : soit partir pour continuer à enseigner les autres croyants, soit rester et offrir sa vie en témoignage de sa foi. Environ 500 000 de ces chrétiens sont enterrés à quelques centaines de mètres de l’église du Quo Vadis, le long de la Via Appia.
Jusqu’à la Croix
L’église a été visitée par Jean-Paul II en 1983. Le pape polonais avait d’ailleurs rappelé cet épisode dans la messe d’intronisation de son pontificat en 1978. « Peut-être ce pêcheur de Galilée n’a-t-il pas voulu venir jusque-là ? Peut-être aurait-il préféré rester sur les rives du lac de Génésareth, avec sa barque et ses filets ? Mais, conduit par le Seigneur et obéissant à son inspiration, il est venu jusqu’ici. » Obéissant, jusqu’à la Croix.
Cette rencontre, soulignait Jean-Paul II, « a trouvé une belle expression littéraire dans un roman d’Henryk Sienkiewicz ». Cet écrivain, lui aussi polonais, avait reçu le prix Nobel de littérature en 1905 pour ce roman, qui inspira d’autres œuvres – dont le célèbre péplum de l’Américain Mervyn LeRoy, sorti en 1951. C’est ce film qui valut à Rome d’être surnommée « Hollywood sur Tibre », au moment où la capitale italienne devint un lieu de tournage du cinéma mondial.
Plus récemment, le vicariat de Rome a souhaité remettre à l’honneur les deux saints patrons de la ville, Pierre et Paul fêtés le 29 juin, jour férié pour la ville. Plusieurs pèlerinages sont organisés ce jour-là, autour des étapes historiques de la présence des deux apôtres dans la capitale de l’empire.