Il y a deux semaines, des membres du comité exécutif de l’USCCB 1 sont allés à Rome pour demander l’aide du Saint-Père dans la gestion de la crise qui engloutit l’Eglise catholique des Etats-Unis. Ils sont rentrés les mains vides.
L’objectif principal était de convaincre le Saint-Père d’engager un Visiteur Apostolique pour enquêter sur la pourriture et la corruption qui ont permis à Theodore McCarrick de prospérer – une investigation que les évêques américains eux-mêmes n’ont ni la capacité, ni, en vérité, la crédibilité d’entreprendre de leur seul fait. Le Pape a « mis son veto » à cette idée, selon Crux2. François a suggéré que les évêques partent faire une retraite au lieu de tenir leur rencontre annuelle à Baltimore.
Pendant ce temps, 70 millions de catholiques américains exaspérés attendent une réponse quelconque de Rome qui puisse indiquer que la nature et la portée de la crise actuelle ont finalement été comprises.
Sans aucun doute, l’affaire Vigano – et le refus de l’épiscopat américain d’en réfuter d’emblée les accusations – ont laissé un goût amer dans la bouche pontificale. Mais on se demande si le Saint-Père comprend combien son silence – et le fait qu’il s’en vante quotidiennement dans ses homélies – donne aux catholiques ordinaires l’impression pénible que Rome attache plus d’importance à faire un exemple de ses ennemis que de se porter à la rencontre des besoins d’un troupeau qui souffre.
Et tandis que la condamnation par le pape François des abus sexuels sur des enfants a été sans équivoque (on n’en attendait pas moins) il n’est pas encore évident qu’il saisisse jusqu’à quel point la crise de confiance envers les évêques eux-mêmes est désastreuse.
Tandis que le Saint-Père garde le silence – même le corps de journalistes accrédités auprès du Saint-Siège devient frustré – certains de ses associés les plus proches se mettent à parler.
Le cardinal Cupich a été publiquement démoli pour avoir dit lors d’un interview que « le pape avait un agenda trop rempli » pour pouvoir s’occuper des accusations de l’archevêque Vigano, et que « nous n’allons pas chercher midi à quatorze heures ». L’interprétation la plus charitable de ses remarques serait de le taxer d’insouciance, mais son ardeur à minimiser, et à dépasser les accusations de Vigano tend aussi à obscurcir le fait que la crise de confiance dans l’Eglise américaine n’a pas été provoquée par la missive immodérée de l’archevêque Vigano, mais par les défaillances manifestes d’évêques – y compris de nombreux évêques qui sont actuellement en fonction.
Un autre confident du pape, Antonio Spadaro S.J., a tenté de défendre la réponse du Pape sur ces sujets : « le Pape tire de l’énergie de ce conflit », « a écrit le père Spadaro sur Facebook, « et il le voit comme un signe que son action agace. La force motrice du pontificat du pape François se manifeste dans le paroxysme du retour de bâton qui en sort à son encontre. »
Ce n’est pas une nouvelle que le Saint-Père a une certaine prédilection pour la destruction créative dans la vie spirituelle et ecclésiastique – Hagan Lio ! Mettez le bazar ! – mais parfois un bazar est juste un bazar. Quand le conflit et la division sont présumés être la marque de fabrique d’un gouvernement sage et d’un jugement sain, les choses commencent à prendre un ton de conspiration. Tout est grand ; cela prouve que nous faisons quelque chose de bien ! Regardez ce bazar colossal ; cela prouve que nous devons faire quelque chose de bien !
Cette qualité auto-gratifiante de la relation de ce pape avec l’Eglise aux Etats-Unis a un certain aspect tragicomique. Considérons par exemple l’absurdité suivante : Le Saint-Père semble avoir appris beaucoup de ce qu’il sait sur l’Eglise américaine – c’est-à-dire que l’épiscopat américain est plein d’idéologues d’extrême droite – de ce menteur de Théodore McCarrick. Et pourtant, le Saint-Père semble également avoir interprété les événements concernant la disgrâce dudit McCarrick comme une confirmation de la véracité du rapport de McCarrick sur l’épiscopat américain.
Rome semble mal se rendre compte de combien il est démoralisant pour les catholiques qui, déjà trahis deux fois par leurs propres évêques, sont avisés que leur impatience croissante face au silence du Pape est jugée par Rome comme une preuve supplémentaire de leur agitation idéologique contre le Saint-Père. Toute l’affaire sent la paranoïa à plein nez.
Pendant ce temps, les coups continuent de pleuvoir sur le troupeau américain. Au moment où j’écris ceci, le cardinal Donald Wuerl, qui est pourtant le canard le plus boiteux, est toujours archevêque de Washington. Monseigneur Richard Malone, à Buffalo, fait face à une pression croissante pour qu’il démissionne, à la vue des rapports selon lesquels il a enterré les accusations d’abus sexuels contre ses prêtres ; Monseigneur Michael Hoeppner évêque du Minnesota est accusé d’avoir forcé la main d’une personne victime d’abus pour en obtenir le silence.
Les prochaines investigations auxquelles le gouvernement va procéder en Illinois, dans le Missouri, et à New York est loin de garantir que le roulement de tambour des mauvaises nouvelles ne continuera pas dans un futur prévisible. Les évêques américains, en l’absence de l’aide nécessaire de Rome pour faire la police dans leurs propres rangs, sont abandonnés, ballant au vent. Rome semble décidée à les y laisser, en tous cas pour le moment.
Si Rome n’aide pas les évêques américains, il va leur falloir se débrouiller avec leurs propres ressources au niveau de leur conférence épiscopale. La lettre de la semaine dernière du président de l’USCCB, le cardinal Daniel DiNardo, indique ce à quoi cela pourrait ressembler. L’USCCB ne peut pas relever les évêques de leur ministère – elle ne peut pas les obliger à démissionner – mais ce qu’elle peut faire vaut le coup. Les plans prévoient l’établissement d’un système de rapport par des tiers pour porter plainte contre des évêques et une enquête aussi fouillée que possible étant données les circonstances, avec une implication significative de laïcs, dans l’affaire McCarrick.
A nouveau, sans l’assistance de Rome, ces efforts manqueront du mordant qu’ils auraient pu avoir autrement, mais le fait que nos évêques américains se remuent sur ces questions, plutôt que d’attendre une action de Rome, est un bon signe.
Les américains sont habitués à faire des requêtes, un trait de caractère qui ne nous rend pas toujours aimables aux yeux de Rome ou de quiconque. Toujours est-il que l’espoir est que les efforts de réforme des évêques américains finiront par recevoir un soutien du Vatican. Et ceci peut encore arriver si la mesquinerie américaine et l’intransigeance romaine ne l’empêchent pas.
Alors qu’on lui demandait pourquoi l’aide demandée à Rome n’était pas venue, le cardinal Dolan a répondu devant des millions de catholiques américains : « J’ai tendance à devenir aussi impatient que vous le paraissez, mais je ne connais pas la réponse. »
Pour le moment, nos évêques n’attendent rien de Pierre.
https://www.thecatholicthing.org/2018/09/27/ask-and-you-shall-receive/