De l’utilité des saints - France Catholique
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De l’utilité des saints

Dans son ouvrage désormais classique La Sainteté en Gaule, l’historien Michel Fauquier livre une réflexion sur le rôle des saints et les vertus de leur médiation, en même temps qu’il réhabilite le travail de leurs hagiographes.
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Vie de saint Martin. © Julian Kumar / Godong

La sainteté devrait être la grande affaire de la vie de chaque chrétien, son principal objectif, sa préoccupation quotidienne lui permettant de grandir dans l’amitié du Christ. Elle l’était dans les temps anciens de grande ferveur, comme le rappelle l’historien Michel Fauquier dans Martyres pacis, ouvrage consacré à La Sainteté en Gaule à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge (IVe-VIe siècles) : « Le saint est le relais privilégié par lequel, son Maître, qui est la Lumière du monde, illumine la terre de ses rayons salvateurs. » Dès lors, la sainteté est « la bénédiction que Dieu envo[ie] à son peuple au milieu des tribulations de ce monde afin que son règne pût être instauré sur terre », ajoute-t-il. On le voit : l’étude de la sainteté n’est pas un champ réservé des théologiens. L’histoire lui offre également un terrain propice.

Une remarquable description

Michel Fauquier offre ici, dans une thèse d’histoire soutenue brillamment par lui en 2016, une remarquable description de la sainteté aux confins de l’Antiquité et du Moyen Âge, se fondant sur l’étude d’une trentaine de Vitae sanctorum consacrées à vingt-neuf saints, au premier rang desquelles figurent les vies de saint Martin de Tours, saint Germain d’Auxerre, saint Aubin d’Angers, sainte Geneviève et sainte Radegonde. Pour ce faire, il a décortiqué les œuvres d’une quinzaine d’auteurs, tous contemporains du saint dont ils racontaient la vie, notamment Grégoire de Tours (538-594) et Venance Fortunat (530-609) qui furent les plus prolixes.

Prenant le contrepied du rationalisme dominant qui méprise volontiers les hagiographies, Michel Fauquier confesse, au contraire, « la conviction que, pour l’essentiel, le discours des hagiographes est véridique, au sens où ces discours ont cherché à rendre compte de ce qu’ils ont réellement vu, entendu et pensé ». Le style est clair et précis, rendant non seulement accessible, mais agréable la lecture de ce volumineux travail d’érudition.

Les défis relevés par l’Église

Depuis 313, l’Église était reconnue et protégée par l’empire romain, mais elle devait relever de redoutables défis : affronter les hérésies qui nuisaient à l’unité spirituelle, à commencer par l’arianisme, et protéger les populations contre les peuples barbares qui envahissaient l’empire et s’y installaient, par la prière et la médiation. L’idéal de sainteté connut alors une inflexion décisive. Au martyre sanglant succéda un idéal d’ascèse : « Si le martyr avait imité le Christ de la Passion, le saint avait imité le Christ avant sa Passion, ouvrant par là même la voie du Ciel, où ses vertus ayant été éprouvées durant son parcours terrestre, il siégerait à côté des martyrs. »

La voie de la sainteté

Cette étude historique est de nature à nourrir une réflexion spirituelle sur la voie de sainteté que sont appelés à suivre tous les fidèles. La sainteté n’est pas la perfection. Elle n’est pas le laurier qui couronnerait les exploits d’un athlète de Dieu. Elle exige d’abord d’offrir sa vie et de s’abandonner humblement à la volonté de Dieu, en cultivant dans son âme la grâce transmise par les sacrements, ce qui exige une ascèse qui lui permet de retrancher peu à peu de sa vie tout ce qui encombre son âme et y émousse l’action de la grâce. Elle est, conclut l’auteur, une « aristocratie selon le cœur de Dieu », appelée à répandre « au cœur du monde les valeurs d’ascèse et de détachement ».

Martyres pacis. La Sainteté en Gaule à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge (IVe-VIe siècles), Michel Fauquier, éd. Classiques Garnier, 1198 pages, 73 €.