Emmanuel Macron, en faisant appel à Michel Barnier comme Premier ministre, a probablement utilisé sa dernière carte possible. En effet, si celui-ci échouait dans l’entreprise presque impossible de trouver des majorités de compromis, en évitant des motions de censure fatales, on ne voit guère de solution de rechange. La Cinquième République, telle qu’elle a été conçue depuis ses origines, se trouve dans une situation de crise qu’elle n’a jamais connue. À la crise institutionnelle s’ajoutent d’autres crises qui mettent le pays en péril. Crise sécuritaire, crise migratoire, crise économique et financière. Il était d’ailleurs inévitable que tout cela aboutisse à une recomposition politique et idéologique, qui reflète les changements profonds de notre société. Et quand le terme de « décivilisation » est brandi pour caractériser notre dépression morale, on est bien obligé d’en déduire que nous sommes face à la nécessité d’un réexamen complet afin de déterminer un possible avenir.
Malheureusement, nous n’en sommes pas encore à ce stade de prise de conscience par nos dirigeants, du moins de la plupart d’entre eux. Quand on met le nouveau Premier ministre et son gouvernement en demeure de rester dans la stricte logique des réformes dites sociétales, avec ce qu’elles revêtent de culture hostile à la famille et même à la naissance, on se dit que c’est une culture délétère qui s’est emparée des esprits. Jean-Paul II n’avait cessé de préconiser une culture de vie à l’encontre de la culture de mort qu’il voyait se développer en Europe. Il avait parfaitement cerné les causes décivilisatrices, si évidentes aujourd’hui. L’hiver démographique qui s’est abattu sur l’Europe, qu’avait annoncé prophétiquement l’historien Pierre Chaunu, rend inopérants tous les projets de développement économique.
La naissance, maître mot de toute politique
Michel Barnier va devoir affronter la question épineuse du budget liée à la dette qui s’est accumulée ces dernières années. Mais les mesures de restriction des dépenses ne suffiront pas à résoudre nos affaires. Car là encore, nous nous trouvons face à des forces redoutables qui empêchent un redressement à long terme de notre économie. À la décélération démographique dont nous parlons n’est opposée aucune philosophie favorable à la naissance. Cette naissance dont la grande philosophe Hannah Arendt faisait le maître mot de toute politique. On pourra d’ailleurs se reporter à ce sujet sur le récent essai de Bérénice Levet, Penser ce qui nous arrive avec Hannah Arendt, Éditions de l’Observatoire.
La désagrégation de la famille se poursuit du fait d’un néo-féminisme irresponsable, qui déclare la guerre entre les sexes. On assiste aussi à l’expansion d’un mouvement aussi absurde que celui qui se réclame du slogan « No kids » analysée par Aziliz Le Corre dans L’enfant est l’avenir de l’homme. La réponse d’une mère au mouvement no kids, Albin Michel. Plus que jamais, c’est le retour à une culture de vie qui s’impose, car elle est à la racine de toute santé morale et sociale. D’elle dépend la victoire de la civilisation sur la culture de mort.