Dans un premier temps, la vague des « Gilets jaunes » a été comme une réponse en forme d’effet-boomerang au leitmotiv électoral macronien du « en même temps » censé prendre en compte le destin de la France entière… : on a assisté à une sensibilisation commune de Français de tous bords, et à une mobilisation majoritairement pacifique mais très déterminée de citoyens très variés contre les mesures fiscales. Des mesures abusivement cumulées depuis de longues années par plusieurs gouvernements successifs, mais reprochées ici au gouvernement Macron, bouc émissaire désigné à une vindicte sans nuance.
Ces « Gilets jaunes » sont essentiellement venus de cette « France périphérique » de plus en plus négligée et reléguée dans son arrière-pays depuis la fin des « Trente Glorieuses » vers 1975 par une élite politique et sociale « européiste »… Cette France de seconde zone, appauvrie, longtemps restée muette, n’en pensait pas moins : elle était campée dans une méfiance extrême vis-à-vis du pouvoir central de la capitale parisienne, et vis-à-vis d’une classe politique perçue de façon sommaire comme technocratique, arrogante, hypocrite, malhonnête et déconnectée des réalités quotidiennes.
Mais dans un second temps, ce mouvement de novembre-décembre 2018 a présenté ces tout derniers jours un double phénomène de radicalisation de certains « Gilets jaunes » et de récupération politique du mouvement : on a vite senti l’influence virulente d’éléments « ultras » majoritairement marqués par une Gauche extrême. Ceci au nom de la lutte contre les effets d’un libéralisme économique international très mal vécu, auquel Macron est assimilé à son plus grand détriment. C’est alors que la violence a éclaté, jusqu’à un degré de type insurrectionnel, très dangereux pour la stabilité de l’Etat et pour la paix civile.
Non sans certaines incohérences, ce mouvement de protestation violente s’est amplifié tout en refusant globalement de désigner des représentants pour engager le dialogue avec le gouvernement Macron… Un gouvernement qui, lui-même à vrai dire, n’a cherché à discuter et à négocier que bien tardivement, après les émeutes de ce samedi dernier, ce 1er décembre à la fois brûlant et glaçant… C’est ainsi qu’on est arrivé à la redoutable situation de blocage de cette semaine, avec le danger d’un affrontement plus dur encore, et d’une nouvelle escalade funeste de la violence.
Il faut toutefois saluer l’initiative de quelques maires, surtout de petites communes, proches des citoyens, qui sont allés à la rencontre des « Gilets jaunes » : élus locaux disposant d’une assise populaire concrète, ils leur ont proposé de relayer leurs revendications auprès du gouvernement sur des « cahiers de doléances ». On peut y voir l’espoir de renouer un contact entre les protagonistes de ce conflit d’un type inédit, en le faisant sortir de l’absurde spirale où il a commencé à entrer.
Denis LENSEL