Chrétiens de Syrie, une inquiétude réelle - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Chrétiens de Syrie, une inquiétude réelle

Alors que leur pays vient de tomber aux mains des islamistes, les chrétiens syriens vont-ils pouvoir continuer à pratiquer leur foi ? Dans l’attente de la naissance du Sauveur, ils nous exhortent à prier pour eux.
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Les islamistes d'Hayat Tahrir al-Cham se sont emparés de Damas le 11 décembre. © Ahmed Akacha / pexels

Tandis qu’en Occident, la chrétienté célébrait la résurrection de Notre-Dame de Paris, dans le même temps, elle voyait ses enfants à nouveau éprouvés en Orient. « Huit jours après Alep, et deux jours après Hama puis Homs, Damas est tombée aux mains des islamistes. Le Président est parti. C’est plus que jamais le temps de prier et de supplier ! Que va-t-il advenir du pays ? C’est la grande inconnue ! “Le Seigneur va venir ! Il vient !” c’est pourtant le cri d’espérance de l’Avent, au-delà de toute catastrophe » écrit, en entendant des tirs, Sœur Anne-Françoise de la Nativité, carmélite à Alep.

Un espoir fragile

Qui aurait cru que le régime de Bachar al-Assad tomberait aussi vite ? Si la situation peut encore évoluer, à l’heure de publier ces lignes, aucune exaction n’est à signaler. « On pensait que les chrétiens seraient tous massacrés, mais les rebelles tiennent un discours rassurant et distribuent du pain, leur promettant qu’ils pourront fêter Noël » nous raconte Zeina Egho, Syrienne arrivée en France en 2012. Son frère et ses parents vivent encore à Alep. Lors de la prise de la ville, son frère est parti se réfugier sur la côte avec sa femme et leur bébé. « De retour à Alep, les rebelles les ont laissés passer, mais ils ont tenté d’effacer l’autocollant de saint Charbel sur leur voiture, et ont dit à ma belle-sœur qu’elle devait porter le voile. Donc vraiment, on ne sait pas ce qui va advenir » confie-t-elle. « Pour l’instant, les chrétiens sont respectés. Ils sont passés de la peur et la sidération à l’attente, rapporte Benoît de Blanpré, directeur de l’Aide à l’Église en Détresse (AED). Les chrétiens veulent s’engouffrer dans cet espoir aussi mince soit-il. Cela fait tellement d’années qu’ils souffrent et qu’ils passent de drames en désillusions, qu’ils se raccrochent aux propos aidant à établir la confiance et la paix. Il faut espérer au-delà de toute espérance. » Même analyse pour Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d’Orient qui constate « une grande inquiétude sur le terrain, compte tenu des nouveaux maîtres de Damas, mais un espoir qu’il n’y avait plus avant. C’est peut-être une chance infime que cela se passe bien, mais ils veulent la tenter. Un communiqué d’HTC [l’organisation djihadiste Hayat Tahrir al-Cham, NDLR] a encore interdit toute pression vestimentaire sur les femmes. Pour le moment, il n’y a aucune restriction du point de vue des libertés religieuses ».

L’attente, l’espérance et la prière

L’espérance donc, mais aussi ce sentiment d’appartenance à sa patrie peuvent expliquer que certains soient restés. Car si beaucoup ont fui avant l’arrivée des hommes d’al-Joulani, Benjamin Blanchard, détaille : « Sur deux millions d’habitants à Alep, il y avait avant la guerre entre 150 et 200 000 chrétiens. Avant ces événements récents, ils n’étaient plus que 25 000. Des dizaines de milliers ont fui en exode, donc difficile de savoir combien il en reste » ; certains ont préféré prendre le risque de mourir plutôt que de partir. C’est le cas de l’ancien député chrétien d’Alep Pierre Merjaneh qui témoigne : « La décision de rester peut être difficile, mais je n’ai pas hésité à la prendre. Ma famille a ses racines à Alep. J’ai grandi, fait mes études, travaillé comme ingénieur et j’ai fondé ma famille à Alep. J’aime ma ville et j’y ai servi en tant que citoyen et élu du conseil municipal. Je ne me vois pas en dehors de cette ville, et je n’accepte pas de la quitter sous la contrainte ou la force. » Se décrivant d’une « nature optimiste », il attend que les paroles des islamistes soient confirmées par des actes, et pour lui « Noël sera un bon test ». Il ajoute : « Lors de leurs réunions avec les évêques de la ville d’Alep, les responsables des groupes islamiques armés ont pu confirmer que les chrétiens sont des citoyens syriens qui ont tous les droits d’un citoyen syrien et peuvent pratiquer librement leurs rituels religieux. » La prudence est de mise : à Alep, les églises n’ont déjà plus le droit de sonner les cloches.

« Qui protègera les familles chrétiennes ? » demande Safir Salim, président de l’ONG Hope Center depuis Damas, lors d’une conférence de presse organisée par l’Œuvre d’Orient le 13 décembre. Pour Benoît de Blanpré, « il est inconcevable que les chrétiens ne soient plus là. À la fois pour des questions spirituelles et historiques, mais aussi parce que l’Église éduque, soigne, accueille, réconforte, nourrit toutes les communautés, et est objectivement un acteur majeur de la paix et de la coexistence entre les populations ». Le directeur de l’AED souligne combien les Syriens lui demandent de prier pour eux : « L’attente, l’espérance et la prière » répète-t-il. « C’est la seule chose que l’on puisse faire pour eux » abonde Zeina. « Chacune de nous vous remercie pour votre affection fidèle, pour vos prières. Nous en avons bien besoin » conclut Sœur Anne-Françoise de la Nativité.

Cardinal Béchara Raï
« Jésus, maître de l’Histoire »
De passage à Paris pour l’inauguration de Notre-Dame de Paris, le patriarche de l’Église maronite s’est exprimé sur le conflit au Proche-Orient.

«Je voudrais adresser un message de paix et d’espérance aux Libanais, aux Syriens et, plus généralement, au monde entier, parce que le Christ est pour nous le maître de l’Histoire. Il vient comme il veut et quand il veut : voilà notre foi. Nous disons : “Venez, Seigneur Jésus.” C’est le dernier mot de la Bible, à la fin du livre de l’Apocalypse ! Noël n’est pas seulement une occasion de fête : si le Christ s’est fait homme, c’est également pour nous indiquer comment nous comporter. »
Propos recueillis par Constantin de Vergennes

Cardinal Pierbattista Pizzaballa
« Aucune raison de partir »
Le patriarche latin de Jérusalem souligne la détermination des chrétiens de Gaza.

«Les chrétiens de Gaza ne se plaignent pas et essayeront de vivre Noël comme ils le pourront. Ils ne veulent pas faire ce qui est facile, mais ce qui est juste. Or, ils ont toujours été là : ils n’ont aucune raison de partir. La Terre sainte est un témoignage de la Révélation. Garder la mémoire de l’existence historique du Christ sur cette terre est essentiel, car la foi chrétienne n’est pas un roman : Dieu s’est incarné ! Nous espérons que les chrétiens reviendront dans le cadre de pèlerinages, car il y va de l’identité de l’Église et de l’aide aux chrétiens locaux. » 
Recueillis par C. V.