Quel est le projet d’Ecclesia Cantic ?
Fr. Antoine Odendall : Nous rassemblons plus de 1 200 jeunes chanteurs, entre 18 et 35 ans, investis dans le chant liturgique dans les paroisses. Nous travaillons la polyphonie classique, le grégorien et des morceaux de répertoires plus modernes. La formation musicale est exigeante et assurée par des artistes professionnels. La plupart des jeunes ayant soif que cet engagement nourrisse leur foi, nous assurons aussi une formation spirituelle et doctrinale, notamment sur la liturgie. Il y a aussi une forte dimension missionnaire. En plus du concert organisé lors de nos rassemblements, nous allons chanter dans les rues : par la beauté,
on porte Dieu aux passants.
Dans le domaine de la musique sacrée, pourquoi vous concentrez-vous sur le chant en particulier ?
Le chant est vraiment à part dans la musique sacrée. Le fait d’utiliser des instruments dans la liturgie a longtemps fait l’objet d’une controverse dans l’Église, sûrement parce qu’instinctivement on considérait que c’est avec son corps que l’homme doit louer son Créateur, sans artifices. Si aujourd’hui nous ne doutons plus de la richesse qu’apportent les instruments dans la musique sacrée, le chant demeure central.
Le chant est-il plus naturel pour s’adresser à Dieu que la parole ?
On pourrait dire que le chant est le mode « par défaut » pour s’adresser à Dieu. De tout temps, à travers la plupart des cultures, l’homme chante pour parler à Dieu. Mais, chez les Latins, nous avons tendance à perdre de vue l’importance du chant dans la liturgie. C’est souvent le reproche que nous adressent les Orientaux : « Si vous chantez à la messe, nous, nous chantons la messe ! ». Ce n’est pas totalement injustifié ! Le chant ne doit pas seulement être décoratif et pastoral. Il permet de marquer une séparation claire entre le profane et le sacré. On le comprend instinctivement. Par exemple, si j’entre dans une boulangerie, et que je demande « une baguette pas trop cuite » en psalmodiant, la boulangère va me prendre pour un fou. À l’inverse, si la messe n’est que « parlée », quelle différence y a-t-il apparemment entre une prière au Tout-Puissant et les discussions du bistrot d’en face ? Il faut sérieusement nous demander de quelle manière il convient de s’adresser à Dieu. Si l’on songe un instant à la majesté divine, ce n’est pas anodin.
Le pape François, et Benoît XVI avant lui, ont beaucoup insisté sur l’importance du silence dans la liturgie. Quelle est, selon vous, la relation intime entre le chant et le silence ?
Paradoxalement, il ne faut pas opposer le chant et le silence dans la liturgie. Ils se nourrissent l’un l’autre, à tel point qu’on ne devrait pas les dissocier. Si un chant ne vient pas du silence, et qu’il n’y mène pas, il n’a pas sa place dans la liturgie. Idem pour le silence, d’ailleurs ! Si celui-ci est un néant, vide et ennuyeux, et non un profond cantique d’amour : il n’est pas non plus à sa place. La beauté parle aux profondeurs de l’âme. Quand cette même âme veut exprimer son adoration devant le mystère qui l’enseigne, parce qu’elle est limitée, il ne lui reste parfois que le silence. Mais ce silence est un chant, une louange de gloire (Éphésiens 1, 6).
Pourquoi avoir choisi de s’adresser particulièrement aux jeunes pour un tel projet ?
Sûrement parce que ce sont eux qui en ont le plus soif. Il y a un retour impressionnant d’une partie de la jeunesse au sacré. C’est une génération qui a été victime d’une véritable crise de la transmission, mais ce besoin vital de transcendance les pousse à revenir à Dieu. Évidemment, ce phénomène reste restreint mais il n’est pas négligeable, du moins dans la jeunesse catholique. Cette soif de sacré est excellente. Maintenant, il ne faut pas se cantonner à de l’esthétisme, mais enraciner sa foi dans une vie de prière et de charité authentiques. C’est le défi des années à venir.
Pour quelle raison avoir choisi le thème de l’Eucharistie pour ce rassemblement de 2025 ?
Dans la liturgie de l’Eucharistie, le Gloria et le Sanctus nous rappellent que nous sommes élevés dans les Cieux, pendant la messe, les neuf chœurs des anges mêlent leurs voix aux nôtres… C’est le sommet du culte que l’Église rend à Dieu. La beauté n’y est pas optionnelle : elle est le signe de notre amour et de notre gratitude. Le chant est aussi le signe de l’unité de l’Église : les voix de l’Église militante qui s’accordent, et se joignent à la louange de l’Église triomphante. Le Ciel sera si beau. La liturgie doit nous laisser deviner un peu de sa splendeur.
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Pour plus d’informations : ecclesia-cantic.fr
Concert à l’église Saint-Sulpice (75006) le 30 mars, à 15 h, ouvert au public.