Aveuglés par la poussière de latérite rouge et transpirant sous la chaleur de la fin du mois d’août, les hommes de Barsalogho, au centre-nord du Burkina Faso, étaient en train de creuser une tranchée de protection lorsqu’ils ont été surpris par les terroristes. Surgissant à moto, les visages dissimulés sous des cagoules noires, des dizaines de djihadistes ont pris d’assaut la ville et mitraillé leurs habitants pendant deux heures, visant principalement les hommes. Puis ils sont repartis, dans le bruit assourdissant des moteurs, brandissant leurs kalachnikovs en signe de victoire. Laissant, sur la terre rouge sang, 400 cadavres et des centaines de blessés…
Le lendemain, nouvelle attaque, cette fois-ci à Sanaba, dans le diocèse de Nouna, à l’ouest du pays. Les djihadistes ont encerclé le village, rassemblé la population et ligoté tous les hommes de plus de 12 ans, qu’ils soient chrétiens, adeptes de la religion traditionnelle ou considérés comme opposés à l’idéologie djihadiste. Tous ont été emmenés dans l’église évangélique voisine. Là, 26 au total ont été égorgés.
Depuis 2015, les attaques contre les Burkinabè, notamment contre les chrétiens, n’ont cessé de croître, laissant les populations hagardes et désespérées. À Barsalogho, les proches des victimes ont monté un collectif pour dénoncer le « mépris » du chef de la junte, le capitaine Ibrahim Traoré. Le président de la « Transition », au pouvoir depuis le coup d’État de 2022, n’a pas pris la parole au sujet de ce massacre, le plus grand qu’ait subi le Burkina Faso – une attaque revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda.
Cette nouvelle flambée de violence sonne comme un désaveu pour le gouvernement Traoré, qui avait fait de la lutte contre le terrorisme son programme politique. Beaucoup pensaient qu’un militaire réussirait là où les politiciens avaient échoué. Force est de constater aujourd’hui que la situation n’évolue guère.
40 % sous contrôle des terroristes
Le gouvernement, s’il a pu récupérer quelques localités, est loin d’avoir repris la main sur les 40 % du territoire encore détenus par les terroristes. Les enrôlements de force dans l’armée et les groupes de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) ne suffisent pas à éradiquer les terroristes. Ceux-ci possèdent un armement, souvent en provenance de Libye, bien plus moderne que l’armée burkinabè.
Le nombre de déplacés internes dépasse les 2 millions de personnes. Au nord, des régions entières sont sous blocus, les populations affamées attendant en vain les camions humanitaires qui ne peuvent plus passer, car les routes sont minées. Des centaines d’écoles sont fermées et la rentrée scolaire, début octobre, ne pourra se faire que dans une partie du pays.
L’Église reste un phare
L’Église, largement visée par ces attaques, reste un phare pour les Burkinabè. « Nous devons apporter la consolation et l’Espérance à notre peuple, même si c’est dur », témoigne Sœur Pauline, Mère supérieure de la Congrégation des Sœurs de l’Immaculée-Conception, la plus grande communauté du pays. « Nous ne pouvons pas nous contenter de donner un bout de pain à des gens qui ont vu leurs enfants ou leurs parents être massacrés devant eux », dit-elle. Elle a mis en place des sessions afin de soigner les traumatismes psychologiques des personnes déplacées internes (PDI). Des centaines de personnes ont ainsi pu bénéficier de prières, d’accompagnement psychologique et de nourriture.
La foi des fidèles croît sur le terreau des persécutions. Dans la détresse, les chrétiens ont encore plus besoin de se retrouver pour prier ensemble et se tourner vers Dieu. Les séminaires continuent de se remplir à tel point que Mgr Dabiré, le président de la Conférence des évêques du Burkina-Niger, confie manquer de place. Alors que les chrétiens sont la cible d’attaques et que les prêtres sont victimes d’enlèvements, l’engagement de ces jeunes est un témoignage de foi et invite à continuer de se battre pour que pour que le « Pays des hommes intègres » retrouve la paix.
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Djihadistes, trafiquants d’armes…
ILS FONT RÉGNER LA TERREUR
Jusqu’en 2015, le Burkina Faso était un pays réputé pour sa bonne coexistence religieuse. Dans chaque famille, il existe un mélange de chrétiens, musulmans et adeptes de la religion traditionnelle. Les éventuels conflits se réglaient d’un coup de palabre sous le baobab. C’est pourquoi l’arrivée du terrorisme en 2015 a été un coup de tonnerre pour les Burkinabè. Les motivations des terroristes sont diverses, allant de l’idéologie islamiste au trafic d’armes en passant par des revanches ethniques. Ils voient leur tâche favorisée par la corruption, voire l’absence de l’État.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LES APOCALYPSES DU PASSÉ
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.