Vous n’étiez pas croyante avant que ne survienne l’attentat ?
Julie Grand : Pas du tout ! J’ai grandi dans un milieu athée, imprégné par une culture scientifique. Il y a encore deux ou trois ans, je regardais les croyants, je l’avoue, avec une certaine condescendance, voire un gentil mépris… C’est en cherchant comment remonter la pente que mes barrières d’athée « pure et dure » ont cédé. Elles n’ont pas volé en éclats du jour au lendemain, cela s’est fait petit à petit.
Vous évoquez dans votre livre ces « petits cailloux » qui ont jalonné votre chemin de conversion…
Oui, il y a des paroles, des gestes, des confidences qui ont résonné en moi. Ce qui m’a d’abord intriguée, c’est ce qu’écrit Boris Cyrulnik dans un de ses livres sur la résilience. Il dit que les gens qui ont la foi, du moins une certaine spiritualité, surmontent mieux que d’autres les épreuves de la vie. Ce n’était pas allé plus loin, mais cela m’avait marqué… Et puis il y a eu de vieux amis qui m’ont confié qu’ils s’étaient convertis. Cela m’a surpris car ce sont des « scientifiques ». Mais j’ai gardé leur conseil dans un coin de ma tête : « Prie Julie ! Tu verras, ça marche ! »
Et puis il y a eu la Médaille miraculeuse…
Oui, c’est l’institutrice de ma fille qui, comprenant les épreuves que je traversais, me l’a offerte, sans rien dire. La Médaille miraculeuse de la rue du Bac… Quand elle me l’a mise dans la main, j’ai étouffé un sanglot. Je l’ai glissée dans ma poche et je l’ai conservée, sans trop comprendre ce qu’elle pouvait représenter. Je pourrais dire qu’elle m’a servi de béquille… Ce cadeau, cette invitation gratuite, que n’accompagnait aucun mot, aucune insistance, c’était très beau.
Enfin, j’ai découvert qu’Arnaud Beltrame était revenu à la foi de son enfance, qu’il avait fait sa première communion et sa confirmation à l’âge de 37 ans. Qu’une personnalité intelligente et pragmatique, comme lui, retourne à la foi, cela m’a fait réfléchir. Je me suis dit qu’il y avait vraiment là quelque chose à approfondir… Avec de la distance, on peut penser qu’il est parti, mais que j’ai suivi sa trace. Comme s’il avait montré la voie.
Quelques semaines après l’attentat, vous avez reçu une lettre du Père Jean-Baptiste Golfier, chanoine de l’abbaye de Lagrasse, qui l’avait préparé au mariage…
En effet. Il proposait de m’aider, si je le souhaitais, en me présentant des avocats. Je n’avais pas donné suite. À l’époque, j’étais athée. Méfiante. Quand vous êtes athée, vous craignez d’aller rencontrer un prêtre, de peur qu’il n’essaie de vous amener vers la foi. Vous redoutez ce genre de discussion. À l’époque, je n’étais pas prête. C’est par hasard que j’ai retrouvé cette lettre, en rangeant des papiers, en juin 2021.
—
Retrouvez l’entretien complet dans le magazine.
Sa vie pour la mienne, Julie Grand, éd. Artège, janvier 2024, 180 pages, 16,90 €.