Apaiser la douleur : une histoire de la médecine palliative - France Catholique
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Apaiser la douleur : une histoire de la médecine palliative

Depuis l’Antiquité, la médecine s’est attachée à développer les soins palliatifs. Le projet de loi sur l’euthanasie marque une rupture historique inédite.
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Dans une maison des Petites Sœurs des Pauvres, qui prennent soin des personnes en fin de vie.

Dans une maison des Petites Sœurs des Pauvres, qui prennent soin des personnes en fin de vie.

© Petites Sœurs des pauvres

«Je ne remettrai à personne du poison », écrit Hippocrate dans son célèbre serment, au IVe siècle avant J.-C. Face à la fin de vie, il donne dans l’Art de la médecine des clés pour reconnaître une mort imminente, afin d’éviter l’acharnement thérapeutique : « Les affections incurables, on doit les connaître afin de ne pas causer des souffrances inutiles. » Face au mourant, le médecin se retient alors de toute intervention. C’est le primum non nocere : « en premier ne pas nuire ». Néanmoins, il propose d’accompagner les malades, d’« écouter les souffrances et diminuer la violence des maladies ». La douleur est soignée avec du suc de pavot, comme le recommande Théophraste (IIIe siècle av. J.-C.).

Accompagnement spirituel

Aux premiers siècles de notre ère, les hommes essaient de répondre à l’injonction du Christ : « Guérissez les malades, purifiez les lépreux » (Mt 10, 8). Les premiers hôpitaux apparaissent au IVe siècle à la demande des évêques. L’accompagnement du mourant est avant tout spirituel. L’art de bien mourir (1415) instruit le lecteur sur la conduite à tenir lors de sa mort. L’agonie devient un moment mystique, le mourant demande pardon pour obtenir le salut éternel. Le prêtre a une place centrale en donnant les derniers sacrements. Le traitement de la douleur est limité car, pour l’homme du Moyen Âge, elle a une valeur expiatoire. Cependant, des voix s’élèvent, comme celle de saint Thomas More qui évoque une mort sans douleur dans Utopie (1516).

Au XIVe siècle, dans son traité de chirurgie, le chanoine et chirurgien Guy de Chauliac utilise pour la première fois le mot « palliatif » – du latin pallium désignant « un manteau » : le traitement palliatif est tel un manteau couvrant le malade, soulageant la maladie sans la faire disparaître. Deux siècles plus tard, Elias Küchler évoque trois aspects de la médecine palliative dans De cura palliativa : dissimuler les déficiences – par exemple, cacher une peau abîmée par des produits de beauté –, traiter la douleur et traiter l’origine des maladies.

Une pionnière, Jeanne Garnier

Les prémices de la médecine palliative moderne remontent au XIXe siècle. À Lyon, Jeanne Garnier, veuve à 24 ans, décide de consacrer sa vie aux femmes malades et incurables rejetées des hôpitaux. Elle crée des maisons médicales pour les soigner et fonde les Dames du Calvaire, association reconnue par l’évêque de Lyon en 1842. À sa mort, en 1853, d’autres maisons ouvrent en France comme à Paris en 1874.

Au XXe siècle, soulager la douleur devient une obligation déontologique. En Angleterre, Cicely Saunders (1918-2005) fonde en 1967 le premier hôpital au monde dédié à la médecine palliative, le Christopher’s Hospice. Elle définit la médecine palliative comme « le suivi et la prise en charge de patients atteints d’une maladie active, progressive, dont le stade est très avancé et le pronostic très limité, et dont le traitement vise au maintien de la qualité de vie ».

En France, la circulaire Laroque de 1986 insiste sur une prise en charge globale du patient – physique, psychologique, et spirituelle – et crée les unités de soins palliatifs (USP). Et la loi du 9 juin 1999 précise que « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Tout salarié peut bénéficier d’un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie. La circulaire du 22 février 2002 envisage de développer les soins palliatifs à domicile, de poursuivre le développement des USP et de former le corps médical. La lutte contre l’acharnement thérapeutique prend forme avec la loi Leonetti (2005). Ce texte permet au patient de choisir l’arrêt des traitements par la rédaction de directives anticipées ou par la désignation d’une personne de confiance. Une étape est franchie en 2016 avec la loi Claeys-Leonetti qui autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Aujourd’hui, plus d’un patient sur deux décède à l’hôpital. La médecine palliative compte 7 500 lits (2019), 164 unités de soins palliatifs (2020) et 428 équipes mobiles (2021). Néanmoins, les moyens manquent pour soigner le plus grand nombre.