Agriculture : Faut-il instaurer des prix planchers ? - France Catholique
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Agriculture : Faut-il instaurer des prix planchers ?

L’idée semble bonne… mais pourrait se révéler catastrophique dans une économie ouverte aux vents de la mondialisation.
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Fred de Noyelle / Godong

Le 24 février, Emmanuel Macron a proposé, au Salon de l’agriculture, d’instaurer des « prix planchers » dans chaque filière, afin de protéger les revenus des agriculteurs. Un revirement pour le gouvernement qui, jusqu’à présent, avait combattu de telles propositions quand elles émanaient de La France insoumise ou du Rassemblement national. Que penser d’un tel dispositif dont on ne connaît pas encore tous les contours ?

À première vue, il permettrait de garantir un revenu décent aux agriculteurs en intégrant leurs coûts de production, de sorte qu’ils ne dépendent plus des aides sociales. Ce serait même une manière de s’inscrire dans la pensée de saint Thomas d’Aquin qui théorisait, au XIIIe siècle, le juste salaire comme celui permettant au travailleur de vivre, lui et sa famille, du fruit de son activité, et même de pouvoir épargner.

Cependant, si l’idée est séduisante, sa mise en œuvre dans les circonstances actuelles pourrait se révéler catastrophique pour les agriculteurs. En effet, les prix planchers n’ont de sens que dans le cadre d’une économie fermée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Ils ont existé dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) jusqu’en 1992 s’agissant des céréales : il y avait alors un prix d’intervention, en dessous duquel les productions qui ne se vendaient pas étaient rachetées par la CEE qui les stockait en attendant de pouvoir les revendre.

Échec de la dernière tentative

Mais, dans une économie ouverte, un prix plancher artificiellement soutenu au niveau national ou européen conduit les clients à s’approvisionner sur le marché mondial, de sorte que les quantités vendues diminuent drastiquement et les exportations se retrouvent pénalisées. Il est à craindre que le prix plancher ne devienne alors un prix plafond pour les agriculteurs. La dernière tentative d’instauration de prix planchers dans la filière porcine, en 2015, fut un échec pour cette raison.

De plus, même dans une économie fermée, le prix plancher n’a de sens que pour des produits de même nature élaborés dans les mêmes conditions. Fixer un même prix plancher pour un produit artisanal et un produit industriel avantagera mécaniquement ce dernier, qui bénéficie de coûts de production moindres, ce qui revient à avantager les grandes exploitations agricoles au détriment des petites. Or, ce sont précisément celles-ci qui souffrent le plus de la crise agricole.

Le vrai problème, c’est l’ouverture quasi totale des marchés agricoles à l’international et la multiplication des normes – françaises ou européennes – qui pénalisent nos agriculteurs sur le marché européen et mondial. C’est d’abord dans ce domaine qu’il faut agir pour rétablir les conditions d’une saine concurrence.