Abbé René de Naurois (1906-2006) : l’aumônier du commando Kieffer - France Catholique
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Abbé René de Naurois (1906-2006) : l’aumônier du commando Kieffer

177 Français sont présents sur les plages de Normandie au matin du 6 juin. Ce sont les hommes du commando Kieffer, une unité de fusiliers marins rattachée aux forces britanniques. Parmi eux, un aumônier : René de Naurois. Un homme exceptionnel.
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L’abbé René de Naurois en 1944 (1906-2006).

L’abbé René de Naurois en 1944 (1906-2006).

Sword Beach. Des cinq plages retenues par l’état-major allié, il s’agit de celle située le plus à l’est, au niveau de la station balnéaire de Ouistreham – Riva Bella. Parmi les troupes britanniques qui s’y ruent au matin du Jour-J, la 1re Brigade Spéciale de Lord Lovat, dont dépend le bataillon de fusiliers marins commandos français, commandé par le capitaine de corvette Philippe Kieffer. Sur la plage, les 177 bérets verts ont déjà perdu trois des leurs, sans compter de nombreux blessés. Impossible de marquer le moindre arrêt : il faut prendre d’assaut le casino local, transformé en forteresse par les Allemands.

Parmi les hommes qui progressent par bonds sous la mitraille, l’un évolue de manière singulière, empêtré dans son pantalon qui lui tombe sur les jambes. Cet homme, c’est l’abbé de Naurois, 37 ans, aumônier et capitaine au commando. Ses bretelles ont lâché. Un soldat anglais, heureusement, l’aide à bricoler une ceinture de fortune avec du fil téléphonique. « Je ne savais ce que je devais le plus à cet homme, la vie sauve ou l’honneur », écrira-t-il, non sans humour, dans ses Mémoires.

Il apporte le réconfort de l’Eucharistie

L’anecdote ne doit pas occulter l’héroïsme qui fut le sien ce jour-là. Sur la plage et à ses abords immédiats, il a su apporter à ses camarades le réconfort de l’Eucharistie, la donnant à qui la réclamait, y compris à un commando de confession juive, le quartier-maître Henri Dorfsman, qui en avait fait la demande. Derrière un pan de mur, il la donne aussi à Philippe Kieffer, blessé sur la plage, qui la reçoit à genoux. Passé l’épisode du pantalon, il se retrouve ensuite en première ligne, à l’approche du casino, pour consoler les mourants comme le caporal Émile Renault, éventré par un obus antichar, ou encore le matelot Paul Rollin, atteint d’une balle en pleine tête, à qui il administre les derniers sacrements.

Après la prise du casino, l’abbé de Naurois participe à la course vers le pont de Bénouville, le fameux « Pegasus Bridge » où s’opère la jonction avec des éléments britanniques. Au cours des semaines suivantes, il est de tous les combats – certains féroces – opposant les commandos aux Allemands qui multiplient les incursions. Enfin, après une brève période de repos en Angleterre et de nouveaux entraînements, il repart avec les bérets verts en Hollande et participe à la prise de la ville de Flessingue, arrachée à l’issue de combats dantesques au début du mois de novembre 1944. Harassé, épuisé nerveusement, moins robuste que les jeunes commandos surentraînés, il doit alors être rapatrié et hospitalisé en Grande-Bretagne.

Sa démobilisation en juin 1945 marque la fin d’un parcours militaire exceptionnel. Après la débâcle de 1940, René de Naurois était devenu aumônier de l’École des cadres d’Uriage dont il fut exclu en juin 1941. Engagé au sein du mouvement Combat, identifié par la Gestapo, il s’était évadé de France en décembre 1942 – après en avoir reçu l’autorisation de Mgr Saliège, son archevêque à Toulouse – pour rejoindre Londres via l’Espagne et Gibraltar.

René de Naurois était Compagnon de la Libération, « Juste parmi les Nations », et commandeur de la Légion d’honneur. Il est mort presque centenaire en 2006 et repose aujourd’hui au cimetière de Ranville (Calvados). 

Aumônier de la France libre. Mémoires, René de Naurois, éd. Perrin, coll. « Tempus », 2019, 360 pages, 9 €.