À quoi sert un prêtre ? - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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À quoi sert un prêtre ?

© Pascal Deloche / Godong

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Eucharistie à la basilique Saint François de Sales, Thonon-les-Bains.
© Pascal Deloche / Godong

À quoi sert un prêtre ?

En ce mois d’ordinations sacerdotales, la vie des futurs prêtres s’apprête à changer du tout au tout. À eux, désormais, d’enseigner et de gouverner les fidèles, tout en travaillant à leur sanctification.
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D’ici quelques semaines, une centaine de séminaristes et de religieux, déjà ordonnés diacres en vue du sacerdoce, s’allongeront face contre terre lors de la litanie des saints avant que, par le geste bimillénaire de l’imposition des mains, un évêque leur confère le sacrement indélébile de l’ordre, les faisant prêtres pour l’éternité. Dès lors, ils seront au cœur des attentions dans une Église que l’on dit en crise, pour cause de baisse de vocations et de remise en question du rôle du prêtre. Un contexte tel que l’on oublierait presque la question principale : au fond, à quoi sert un prêtre ? Ne doit-il être qu’un « distributeur de sacrements » ? Un animateur en paroisse ? Un modérateur de groupes ? Dans la confusion ambiante, il est bon de revenir aux exigeantes tria munera – littéralement « trois fonctions » – établies par l’Église depuis plusieurs siècles : enseigner, sanctifier, gouverner.

Le devoir d’enseignement

En 2010, dans une audience générale, Benoît XVI estimait que le monde se trouvait « en pleine urgence éducative ». Face à la « grande confusion en ce qui concerne les choix fondamentaux de [la] vie [des fidèles] », la parole du prêtre, courroie de transmission de la parole du Christ, revêt alors une importance capitale. Dans son encyclique Ad catholici sacerdotii, publiée en 1935, Pie XI résumait ainsi la mission d’enseignement du prêtre : « enseigner la doctrine du salut », « rendre raison des dogmes, des lois, du culte de l’Église » bref, « dissiper l’ignorance qui […] enténèbre en matière de religion l’esprit de tant de nos contemporains ». « Tous les bienfaits que la civilisation chrétienne a portés dans le monde sont dus, du moins à leur origine, à la parole et à l’action du sacerdoce catholique », affirme encore Pie XI. Car, « étant l’écho fidèle et la répercussion de cette parole de Dieu qui est vivante et efficace et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants, [atteignant] jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit (He 4, 12) », la parole sacerdotale « suscite des héroïsmes de tout genre, dans toute classe et en tout lieu, et crée l’action désintéressée des cœurs les plus généreux ».

Dès lors, on comprend mieux pourquoi, parmi les trois munera, l’enseignement vient en premier. Catéchisme pour enfants et pour adultes, homélie lors de la messe… Le prêtre ne manque pas d’occasions d’enseigner – encore faut-il que cela soit mis en place. « Il faut tout mettre en œuvre et ne pas sous-estimer l’importance capitale de l’homélie », estime l’abbé Christian Métais, curé dans les Deux-Sèvres.

Soigner l’homélie afin de parler à tous les fidèles, sans tomber dans l’intellectualisme… L’exercice est subtil. « L’homélie doit être une conversation familière sur les textes sacrés et consiste à dire des choses complexes avec beaucoup de simplicité », ajoute le prêtre des Deux-Sèvres, pour qui ce moment qui suit l’Évangile doit permettre de faire « rentrer les fidèles dans les textes sacrés ». Pour autant, si l’enseignement se déploie prioritairement dans la salle paroissiale ou à l’ambon, il reste une fonction permanente, des rencontres inopinées… jusqu’aux repas chez les paroissiens. « Le prêtre doit garder à l’esprit que sa présence n’est pas anodine et qu’elle suscitera des questions certes plus informelles, mais tout aussi importantes », témoigne ainsi l’abbé Christian Métais.

Le devoir de sanctification

À côté de l’enseignement, le prêtre est également appelé à travailler à la sanctification du peuple chrétien. Mais, contre toute attente, avant celle des fidèles, il est d’abord appelé à sa sanctification… personnelle. « Le prêtre doit être avant tout un homme de Dieu et donc un homme de prière, insiste l’abbé Arnaud Renard, formateur au séminaire de Wigratzbad (Bavière) de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. Les fidèles attendent de nous que nous soyons des familiers de Dieu, afin de pouvoir leur parler de Lui. »

Permettant de porter les intentions de leurs fidèles, l’oraison est, selon les différents prêtres interrogés, le rendez-vous incontournable de la vie sacerdotale qui permet, ensuite, de vivre au mieux les sacrements qu’ils sont appelés à célébrer. Car si la vie de prière semble incontournable pour le prêtre, l’administration des sacrements l’est tout autant. Selon le quotidien La Croix, qui avait interrogé en décembre 2023 près de 700 séminaristes, le prêtre de demain leur accordera une attention toute particulière : 70 % d’entre eux affirment vouloir les mettre « au cœur » de leur ministère.

Les prêtres doivent-ils, pour autant, n’être que des « distributeurs de sacrements » ? L’expression, souvent utilisée de façon peu amène pour inciter les prêtres à moins se « focaliser » sur la messe ou la confession, établit une fausse opposition entre sacrements et mission, rites et édification des fidèles. « La vie sacramentelle est essentielle pour le prêtre, puisque nous sommes là pour montrer le chemin du Ciel, remarque l’abbé Christian Métais. Les sacrements sont le lieu par excellence de communion avec Dieu. » D’où l’importance de les soigner, tant par l’attitude – « les fidèles voient tout
de suite quand un prêtre qui célèbre la messe “y croit” »
, avance l’abbé Métais – que par le soin apporté à la liturgie.

Le devoir de gouverner

La dernière fonction est sans doute la question la plus sensible à l’heure actuelle : quelle place doit occuper le prêtre et dans quelle mesure doit-il gouverner ? « Il ne faut pas mettre le prêtre sur un piédestal, mais il ne faut pas non plus le traiter comme un paroissien comme un autre », estime d’emblée l’abbé Emmanuel Goulard, recteur du séminaire d’Issy-les-Moulineaux et supérieur provincial de France de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, spécialisée dans la formation des prêtres. La ligne de crête, difficile à tenir, n’est pas si nouvelle : au Ve siècle déjà, saint Augustin expliquait à ses ouailles : « Pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien. » « Le prêtre ne doit pas être un simple “accompagnateur” ou un “conseiller”, mais bien celui qui guide sa communauté en discernant le charisme de chacun », relève encore l’abbé Emmanuel Goulard.

Une autre difficulté se niche dans le vocabulaire rattaché à cette fonction de gouverner, au premier rang duquel se trouve celui de « gouvernance ». « Il faut absolument le récuser, insiste l’abbé Hervé Benoît, recteur du sanctuaire Notre-Dame-des-Enfants, dans le Cher. Car il occulte le fait que le prêtre est un pasteur d’âmes, à l’imitation du Christ. Gouverner, ce n’est pas mettre en place des techniques ou des méthodes, mais une mission qui va bien au-delà de ces moyens. »

Dans ses catéchèses de 2010 sur les trois munera, Benoît XVI attribuait au souvenir des totalitarismes du XXe siècle le rejet du concept d’autorité et faisait du Bon Pasteur le modèle des prêtres : une autorité soumise à celle du Christ, qui ne perd jamais de vue l’exigence de tout faire pour conduire son troupeau vers le Salut. Les différents prêtres canonisés, comme le saint Curé d’Ars, avaient ainsi en commun, rappelait le pape allemand, d’être des « hommes forts et déterminés, animés de l’unique objectif de promouvoir le véritable bien des âmes, capables de payer de leur personne, jusqu’au martyre, pour demeurer fidèles à la vérité et à la justice de l’Évangile. »

« L’homme de la messe et du sacrifice »

Ces enseignements, proposés par l’Église, suffiront-ils aux prêtres d’aujourd’hui et de demain pour surmonter les épreuves ? « Il faut revenir à l’essentiel et ne pas se perdre dans la recherche de recettes nouvelles, avance l’abbé Arnaud Renard. Le prêtre est, fondamentalement, l’homme de la messe et du sacrifice. Il doit être convaincu que l’hostie qu’il tient dans ses mains est un trésor afin que, par son amour et par son zèle, il transmette ce trésor aux hommes. »

Pour s’épanouir, le prêtre doit aussi pouvoir compter sur sa hiérarchie. En 2022, lors du symposium international à Rome sur les « vocations presbytérales, laïques et consacrées », le pape François avait expliqué que le prêtre devait entretenir « quatre proximités » : avec Dieu, avec l’évêque, avec les autres prêtres et avec le peuple. S’adressant à des évêques auxquels il rappelait l’importance de leur ministère, le pape leur avait recommandé de se comporter en « pères ». Sinon, ajoutait-il, « ils feront “fuir les prêtres”, ou ils n’attireront “que les ambitieux” ». « Les évêques doivent considérer leurs prêtres comme des fils et des frères : alors une relation spirituelle se nouera, ce qui permettra d’appeler chacun selon ses talents, abonde l’abbé Hervé Benoît. Mais il leur faut aussi être enracinés dans la vie du Christ, afin qu’ils ne se voient pas comme des fonctionnaires, mais plutôt comme ce qu’ils sont : des successeurs des apôtres. »

Annoncer l’Évangile, prier, dispenser les sacrements et gouverner avec la douce autorité du Bon Pasteur : loin d’être révolutionnaire, la recette que donne l’Église pour faire grandir le sacerdoce est éprouvée et reste une ressource pour les prêtres de demain.