À Paris, une cathédrale sous le signe de Marie - France Catholique
Edit Template
Funérailles catholiques : un temps de conversion
Edit Template

À Paris, une cathédrale sous le signe de Marie

De la façade aux rosaces, la Mère de Dieu est omniprésente en sa cathédrale.
Copier le lien

La Pietà (1723) de Nicolas Coustou, entourée de Louis XIII (à droite) et de Louis XIV (à gauche).

© rcbass / pixabay

La dédicace à Marie est le seul cas où une cathédrale porte, dans son nom, une marque d’un lien affectif envers l’édifice : « notre ». À Chartres, à Amiens, à Reims, les « Notre-Dame » exaltent la figure mariale partout en France. Mais, dans le cas de la capitale, c’est un lien particulier qu’exprime la cathédrale. C’est à la fois le clergé, les institutions de la monarchie et les fidèles qui vénèrent Marie dans la cathédrale.

Pendant longtemps, on a cru que la cathédrale précédant l’actuelle, remontant à l’Antiquité tardive et remaniée à l’époque carolingienne, était dédiée à saint Étienne et que l’église de la Vierge était un édifice secondaire du groupe cathédral. Mais les recherches récentes ont montré que c’était plutôt l’inverse.

Des fidèles de tout le diocèse

Marie était donc particulièrement mise à l’honneur à Paris. La cathédrale possédait une châsse-reliquaire de la Vierge, qui contenait une mèche de ses cheveux. En temps d’épidémie, on sait qu’elle était dès le XIIe siècle le lieu où les fidèles de tout le diocèse venaient prier. Ainsi, en 1128, lorsqu’on fit se rencontrer la châsse de Notre-Dame et celle de sainte Geneviève, l’épidémie du « mal des ardents » cessa. L’afflux des pèlerins n’est sans doute pas étranger au fait que l’évêque de Paris commence une reconstruction de la cathédrale dans les années 1140. Il reste de cette campagne de travaux des éléments d’un portail sculpté d’un grand raffinement, qui ont été remontés au début du XIIIe siècle dans le portail de droite de la façade actuelle, vers 1200. La Vierge et l’Enfant y apparaissent trônant sous un dais. Cette image porte aussi un programme politique. La Vierge est en effet garante d’un serment où on voit un évêque debout devant un souverain agenouillé lisant un texte. C’est une évocation du serment que les rois de France prononçaient après leur sacre, devant le portail de Notre-Dame de Paris. Ils s’y engageaient à protéger le clergé de France.

Lorsque Maurice de Sully entreprend de tout raser et de lancer les travaux de la cathédrale actuelle en 1163, la figure de Marie occupe une place encore plus importante. Le portail de gauche de la façade est entièrement dédié au rôle de Marie dans la Rédemption, avec, au trumeau, sa statue et, au tympan, sa mort et son couronnement au Ciel. Plus haut, au centre de la façade, une statue de la Vierge, flanquée de deux anges, semble couronnée par la grande rose. Dans les vitraux, Marie règne également. La rose ouest de la façade et la rose nord du transept lui sont consacrées, montrant comment elle accomplit la promesse faite à Israël. Et sur la clôture sculptée du chœur, du début du XIVe siècle, Marie apparaît à de nombreuses reprises, avec une intensité dramatique particulière, dans les scènes de la Passion.

Notre-Dame de Paris ne possède pourtant pas de chapelle de la Vierge au sens architectural du terme. L’autel de la Vierge est situé sur la partie droite de la façade du jubé. Depuis 1331, on peut y voir une statue de Marie devant laquelle les souverains viennent désormais prier. À partir de 1364, Charles V s’y rend vingt fois pour obtenir la grâce de l’arrivée d’un héritier.

Deux miracles

À l’époque moderne, le rôle de sanctuaire marial de la cathédrale s’affirme encore. En 1626, deux miracles ont lieu devant l’autel de la Vierge, qui permettent à deux femmes de retrouver l’usage de leurs jambes. Anne d’Autriche y voit un signe et elle vient prier à la cathédrale pour obtenir la naissance d’un héritier. Même si le Vœu de son époux, Louis XIII, promulgué le 10 février 1638, ne mentionne pas explicitement la grâce de la naissance de Louis XIV qui s’annonce, c’est lui qui fait de Notre-Dame de Paris le sanctuaire marial de la monarchie absolue. Le roi y institue la grande procession du 15 août et demande à toutes les cathédrales et paroisses de France d’en organiser une sur le modèle du rituel de la cathédrale parisienne. La chapelle de la Vierge est métamorphosée par l’installation d’une nouvelle façade de jubé, de style classique, dès 1638. Une nouvelle statue de la Vierge est réalisée et le roi fait placer en face de l’autel le Vœu de Louis XIII réalisé par Philippe de Champaigne. Les chanoines, quant à eux, commandent une tenture consacrée à la vie de la Vierge, destinée à être placée au-dessus des stalles. Dans le chœur de la cathédrale, la promesse de reconstruire le maître-autel n’a pu être réalisée sous Louis XIII. C’est son fils, Louis XIV, qui la met en œuvre à partir de 1699. Là encore, Marie est à l’honneur. Au-dessus du second autel du chœur, dans l’arcade principale de l’abside, Nicolas Coustou réalise en 1723 la Pietà à l’intensité dramatique si intense, qui forme toujours l’arrière-plan visuel de la cathédrale. Louis XIII et Louis XIV sont représentés de part et d’autre, le premier déposant sa couronne au pied de la Vierge. Les stalles du chœur, réalisées à partir de 1708, comportent vingt-six médaillons consacrés à la vie de la Vierge, en bois sculpté. Le chœur de la cathédrale devient ainsi un somptueux espace consacré à Marie, même si la tenture de la Vie de la Vierge, passée de mode, est vendue en 1739 à la cathédrale de Strasbourg, où on peut toujours l’admirer.

Notre-Dame du Pilier

La Révolution abat le jubé et fait disparaître l’autel de la Vierge. La cathédrale est orpheline de son lieu de dévotion marial, même si la statue du XVIIIe siècle est préservée, placée dans le transept. Au XIXe siècle, la restauration de la cathédrale par Viollet-le-Duc conduit à exalter à nouveau Marie. D’abord en reconstituant la statuaire, les ateliers de Geoffroy-Dechaume produisant plusieurs images de Marie dans le style du XIIIe siècle. Le XIXe siècle est également celui où Marie, à Notre-Dame, trouve son visage emblématique. La démolition partielle de la chapelle Saint-Aignan, dans l’île de la Cité, avait conduit à la mise en dépôt d’une très belle statue de la Vierge, datant du début du XIVe siècle. En 1818, elle est placée au trumeau du portail de la Vierge. Elle est si belle qu’on décide, en 1855, de la placer à l’intérieur de la cathédrale, devant le pilier sud-est du transept, emplacement le plus proche possible de celui où se trouvait l’autel de la Vierge sur le jubé. Depuis cette date, Notre-Dame du Pilier accueille les prières des fidèles. La cathédrale est le lieu où, aux heures tragiques des deux guerres mondiales, les archevêques prononcèrent des Vœux à la Vierge pour le salut de Paris. C’est devant elle que vient prier le pape Jean-Paul II en 1980. C’est elle, enfin, qui, miraculeusement préservée lors de l’incendie du 15 avril 2019, accompagne le clergé et les fidèles à Saint-Germain-l’Auxerrois, en attente de son retour triomphal dans la cathédrale restaurée. L’édifice entier pourra apparaître aux catholiques comme un immense ex voto après sa restauration exemplaire, dans lequel les visiteurs pourront à nouveau contempler huit siècles d’images qui, sur la pierre, le verre et la toile, témoignent de la piété mariale à Notre-Dame.