Le Synode des évêques en est à mi-parcours. Quelles sont vos impressions et quelle a été la contribution des évêques francophones, en particulier des quatre prélats français ?
On remarque à la fois de grandes divisions, mais en même temps des corrélations, notamment sur le dynamisme de la jeunesse ou le fait qu’ils sont l’Église. Les évêques francophones représentent une petite internationalité : outre les Français, se trouvent des Orientaux, des Africains ou encore des Canadiens. Leurs façons de voir les choses sont parfois différentes.
Par exemple, l’invasion de la technologie dans le corps humain, le cyborg : certains évêques n’en saisissent pas les enjeux – n’étant pas une priorité dans leurs diocèses – quand d’autres les comprennent tout à fait. Mais il y a une synthèse entre les évêques français. Je crois d’ailleurs que l’Église en France a un peu d’avance. Elle a de vraies richesses, notamment, car sa jeunesse a compris qu’elle était missionnaire.
Comment se manifeste cette prise de conscience ?
On observe chez les jeunes catholiques en France une militance, notamment dans les groupes de jeunes, dans les communautés nouvelles ou à travers le scoutisme. Un évêque a rappelé que, pour le pape Pie XII, si l’on n’est pas missionnaire ou militant, on est un apostat.
Or les jeunes catholiques français sentent qu’ils ont une responsabilité par rapport au Christ et à son Église. Globalement, on n’a pas à les en convaincre. Ainsi, lorsque le Pape s’en prend au cléricalisme, il ne dénonce pas tant un certain autoritarisme des clercs que la vision de certains laïcs de tout faire reposer sur les clercs. Les jeunes catholiques montrent au contraire qu’ils ont compris leur mission. Ils ne pensent pas que l’on doit agir uniquement lorsque l’on est religieux ou prêtre.
Un autre sujet intervient dans de nombreux débats, celui des abus sexuels. Cela a-t-il un impact sur les discussions ?
Les victimes des abus révélés aujourd’hui sont des cas souvent très anciens. Depuis des années, l’Église, l’une des institutions les plus sûres à cet égard, a pris les moyens d’éliminer ces perversions. En France, un abus sexuel est commis chaque heure mais les prêtres ne sont pas concernés. En revanche, il est vrai que certains évêques n’ont pas réagi avec l’efficacité nécessaire, notamment vis-à-vis des victimes. Voilà ce que nous sommes en train d’essayer de résoudre aujourd’hui. Les jeunes peuvent être scandalisés, et c’est légitime, nous le sommes aussi. Mais il faut s’interroger ensemble, et en élargissant également à d’autres institutions.
Certains suggèrent de remettre en cause le célibat des prêtres. Est-ce justifié ?
Ah non ! Il y a un raisonnement fallacieux : si on accusait tous les célibataires d’être des pédophiles en puissance, les prêtres ne seraient pas les seuls à être soupçonnés. Ce n’est pas à cause du célibat qu’il y a des cas de pédophilie. En revanche, on peut faire un lien avec la solitude du prêtre. Et cela pose une question aux fidèles : formons-nous une vraie communauté avec nos prêtres ou sommes-nous juste là pour profiter de leur ministère ?
Le ministère des prêtres est-il lui-même questionné ?
L’un des enjeux de ce synode est précisément de réfléchir au ministère du prêtre. Selon les jeunes dans l’Instrumentum laboris, là où les prêtres sont libres des soucis financiers et organisationnels, ils peuvent se concentrer sur le travail pastoral et sacramentel.
En tant qu’évêque, j’observe en effet des prêtres qui s’épuisent dans des tâches secondaires. Le saint Curé d’Ars passait 18 heures par jour dans son église à prier et à confesser ! Aujourd’hui, les prêtres n’en ont plus le temps. Il faut donc qu’ils soient plus disponibles, notamment pour l’accompagnement des plus fragiles, des jeunes et des familles. Le ministère du prêtre est là pour sanctifier les chrétiens et pour évangéliser les païens. Toutes les questions matérielles doivent donc être en vue de ces objectifs.
Un autre enjeu est de redonner confiance aux jeunes. Peut-on d’ores et déjà dire que l’Église est en passe de réussir son pari ?
On le verra après l’événement. L’Église doit retrouver la confiance avec les jeunes. Les jeunes attendent une réponse en termes de morale, sexuelle en particulier. Et l’Église leur donne exactement ce dont ils ont besoin dans le domaine spirituel voire politique, avec l’encyclique Laudato si’ (2015) par exemple. Mais il y a peut-être un autre enjeu : retrouver la confiance dans les jeunes. Les jeunes auront vraiment confiance en l’Église quand ses responsables – clercs et laïcs – leur feront davantage confiance. Nos communautés sont-elles prêtes à miser, même financièrement, sur les jeunes, et ce malgré leur instabilité ?
Les jeunes demandent également à être accompagnés spirituellement. Comment peut-on mettre cela en place, à l’heure où les prêtres se font rares ?
Ce n’est pas vrai ! Les prêtres ne se font pas rares. Ils sont nombreux, en France en particulier. Mais il faut les libérer de toutes les charges chronophages afin de leur donner plus de temps, notamment pour les plus fragiles. Dans mon diocèse, nous avons par exemple formé des laïcs pour l’accompagnement spirituel.
Enfin, le ministère des religieuses est le point le plus important : notre monde a besoin de ces femmes. Leur ministère de maternité spirituelle est l’avenir de l’Église.
Comment susciter des vocations, en particulier dans les milieux populaires ?
L’Église suscite les vocations par la prédication et par l’exemple. L’un des points clés est l’homélie. Les sermons ne sont pas assez adaptés aux jeunes, et c’est vrai pour toute la planète. Les familles ont un rôle important également.
Pour tous les jeunes, entre 17 et 26 ans, l’accompagnement spirituel devrait être « obligatoire ». Pour parler des vocations particulières – la vocation au célibat consacré notamment – il n’y a rien d’autre que l’accompagnement personnel.
L’époque n’est plus à l’évangélisation de masse, mais de détail : il faut aller chercher les brebis perdues, une par une.
Le Pape a demandé qu’il y ait trois minutes de silence toutes les cinq interventions. Comment cela est-il reçu ?
Ces trois minutes de silence sont splendides ! Ce n’est pas seulement un temps de méditation ou de prière. C’est aussi un silence d’imprégnation, selon le Pape, d’approfondissement de la parole. Et cela change la teneur des interventions, la qualité et la réception. On laisse vraiment l’Esprit-Saint parler. Cela m’apprend beaucoup pour nos réunions de curés ou d’évêques. J’ai beau être dominicain, je crois que notre bon jésuite de Pape m’a appris une très belle chose par cette initiative. On sent qu’on porte l’avenir de l’Église et du monde et que l’enjeu est énorme.
—
Photo : Mgr Macaire – © Paul de dinechin
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- En vue du prochain Synode pour le Moyen-Orient
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ