Est-il besoin de rappeler qu’entre le Liban et la France, il existe des liens historiques qui persistent au-delà de toutes les épreuves, et que moins que jamais il devrait être question d’abandonner ce peuple qui nous est cher entre tous ? Ce serait un crime, alors que le sort ne cesse de s’acharner sur lui. Que notre président ait tenu à se rendre à Beyrouth par deux fois récemment, nul chez nous ne devrait le lui reprocher. Le soupçon d’une ingérence autoritaire ne pèse guère eu égard aux obligations que nous avons pour ce pays, qui doit se reconstruire et que nous devons, à tout prix, aider à se garder du désespoir. Un désespoir qui risque de pousser à l’exil une large partie de sa population, surtout chrétienne.
L’explosion qui a détruit le port de Beyrouth n’a pu qu’accélérer un processus en marche, notamment au travers de la guerre civile, qui, à partir de 1975, a contribué à désagréger l’équilibre de ce pays singulier du Proche Orient. Singulier, à cause de la cohabitation qui existait entre musulmans et chrétiens. Un esprit de tolérance, inconnu ailleurs, avec une telle liberté de pensée, s’est trouvé brisé, à tel point que pour désigner le risque d’éclatement d’un pays, on s’est mis à parler de « libanisation ». Nous autres Français, serions aussi menacés de « libanisation » à travers ce que le pouvoir actuel appelle « le séparatisme ».
Et pourtant, un bel élan de générosité à l’égard de nos amis libanais montre que beaucoup ne renoncent pas à sauvegarder ce qui pourrait survivre du miracle du pays du Cèdre. C’est notre propre équilibre qui est en jeu. Jean-René Van der Plaetsen a bien raison d’affirmer qu’abandonner le Liban, « ce serait créer les conditions d’un chemin qui pourrait devenir notre propre calvaire »1.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 septembre 2020.
- Le Figaro magazine, 4 septembre.