Si le pape François a réaffirmé les vérités de la foi dans de nombreux domaines, comme le respect de la vie, plusieurs de ses prises de position ont dérouté de nombreux fidèles et certains clercs. Sans doute son style direct a-t-il aussi nourri leur perplexité, ses sorties médiatiques rompant souvent avec la prudence et la précision de ses prédécesseurs.
« Fraternité humaine »
Ses déclarations répétées sur l’accueil des migrants ont laissé penser que François méconnaissait les difficultés du continent européen et les défaillances morales et politiques des dirigeants africains, en partie responsables de l’émigration de leurs compatriotes. Le «Document sur la fraternité humaine », cosigné le 4 février 2019 par le recteur de l’université al-Azhar du Caire, suggère aussi qu’il sous-estimait la volonté d’expansion de l’islam. Surtout, ce document postule que « le pluralisme et la diversité des religions […] sont la volonté de Dieu » – affirmation pour le moins surprenante qui a conduit certains cardinaux, dont Mgr Gerhard Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, à rappeler que le Christ est « l’unique Sauveur ».
Huit mois plus tard, le 4 octobre 2019, la présence de statues de la Pachamama – déesse andine de la fertilité – lors d’une cérémonie de prière au Vatican, avant le synode sur l’Amazonie, a de nouveau jeté le trouble, obligeant François à préciser qu’elles avaient été exposées « sans intentions idolâtres ». Il s’agissait seulement, d’après le Vatican, d’honorer la mémoire d’un peuple qui avait eu l’intuition de Dieu avant de le découvrir vraiment.
Dans le domaine diplomatique, les accommodements du Vatican avec le régime chinois ont surpris. Le pays compte 10 à 12 millions de catholiques… et deux « Églises » ! L’une dite patriotique, dont Pékin choisit les évêques sans l’accord du pape ; l’autre clandestine, dont les fidèles ne reconnaissent que l’autorité du Saint-Père. Or, en 2018, François entérinait la nomination d’évêques désignés par Pékin et signait un accord censé améliorer la collaboration entre les deux États – accord violé par Pékin qui continue d’opprimer l’Église clandestine.
Mais c’est surtout sur des points de doctrine et dans le domaine liturgique que des cardinaux ont fait part au Saint-Père de leur étonnement, voire de leurs « doutes ». Ainsi, quatre d’entre eux ont-ils demandé des précisions à François après la publication, le 19 mars 2016, de l’exhortation apostolique Amoris laetitia sur l’amour dans la famille – leurs questions portant surtout sur l’éventuel accès aux sacrements de personnes « dans une situation objective de péché », envisagé dans cette exhortation.
L’incompréhension Fiducia supplicans
Dans ce domaine, la déclaration Fiducia supplicans du dicastère pour la doctrine de la foi (18 décembre 2023) a encore accru l’incompréhension. Selon ce texte, « il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe » à condition de « ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage ». Une déclaration que les évêques africains ont refusé d’appliquer et qui a suscité plusieurs mises au point du Saint-Siège, François jugeant nécessaire de préciser : « On ne bénit pas l’union, mais simplement les personnes qui l’ont demandée ensemble » (26 janvier 2024).
De même le motu proprio Traditionis custodes, publié le 16 juillet 2021, a-t-il suscité l’émoi des fidèles attachés à la forme « extraordinaire » de la Sainte Messe. Au motif de « restaurer l’unité de l’Église », ce texte pose que les livres liturgiques promulgués par Paul VI et Jean-Paul II sont « l’unique expression de la lex orandi du rite romain », de sorte que les dispositions prises par Benoît XVI pour élargir les conditions de célébration de la Messe tridentine sont caduques. L’usage du missel de Jean XXIII n’est cependant pas totalement interdit, mais il est soumis à l’autorisation de l’évêque, désormais chargé de veiller « à ne pas autoriser la création de nouveaux groupes » attachés à la Messe tridentine.