François, le pape du Nouveau Monde - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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François, le pape du Nouveau Monde

© Antoine Mekary / Godong

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François, le pape du Nouveau Monde

François, le pape du Nouveau Monde

Fortement marqué par ses origines latino-américaines et par ses ministères argentins, le pape François a donné une empreinte très singulière à son pontificat.
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Au terme d’un pontificat long de 12 années, le pape François s’est éteint ce 21 avril 2025. Inconnu lorsqu’il apparut pour la première fois vêtu de blanc au balcon de la basilique Saint-Pierre le 13 mars 2013, cet homme que « les cardinaux [étaient] allés chercher au bout du monde », comme il le dira lui-même, laisse un héritage pluriel, souvent cohérent, parfois difficile à déchiffrer, dont l’inventaire peut seulement commencer.

Enfance populaire

Que retenir de la vie de ce jésuite, qui a choisi de régner sous le prénom du fondateur des franciscains ? Jorge Mario Bergoglio est né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, la capitale argentine. Dix jours plus tôt, l’aviateur Jean Mermoz a disparu dans l’Atlantique Sud : l’événement fait la une de l’actualité, concurrencé par l’annonce en Grande-Bretagne de l’abdication d’Édouard VIII en faveur de Georges VI. Jorge Mario, baptisé huit jours après sa naissance, est le fils d’un immigré italien qui a quitté le Piémont à la fin des années 1920. Sa mère, d’origine italienne elle aussi, est en revanche née sur le sol argentin. Avec ses parents, ses deux frères et ses deux sœurs, ils forment une famille unie et modeste. Ils vivent dans un quartier populaire composé de maisons basses. À trente mètres du domicile, une vaste place sert de terrain de jeu où, avec les gamins du voisinage, Jorge Mario joue au cerf-volant et s’adonne à sa passion du football. À six ans, il entre à l’école et, toute sa vie, il conservera le souvenir ému de sa première maîtresse.

Une ascension rapide

La vocation de Jorge Bergoglio est relativement tardive. Il la reçoit alors qu’il travaille depuis quatre ans comme chimiste dans un laboratoire. Son métier l’intéresse, mais il n’apaise pas sa soif de se donner. Il envisage une reconversion dans la médecine, mais l’évidence l’assaille un jour : il est fait pour devenir prêtre. Cette certitude n’éclate pas sur un terrain vierge, voici des années que le jeune homme, élevé très chrétiennement, était travaillé par les préoccupations spirituelles. Le voici donc au séminaire de Villa Devoto, à Buenos Aires, puis au noviciat de la Compagnie de Jésus. Le 13 décembre 1969, à quatre jours de son 33e anniversaire, il est ordonné prêtre. 

Dans les années qui suivent, il connaît une progression spectaculaire puisqu’il devient provincial des jésuites en 1973. Il s’agit d’un ministère particulièrement complexe, alors que l’Argentine est tenue par des régimes autoritaires de 1966 à 1983 – avec un court intermède péroniste de 1973 à 1976 qui mêle populisme, préoccupations sociales et défiance à l’encontre des grands propriétaires fonciers. Le clergé est alors divisé, séduit soit par la théologie de la libération, soit par les positions plutôt favorables à l’Église défendues par les dictatures militaires qui se succèdent. La position qui fut alors celle du Père Bergoglio est difficile à cerner, mais l’histoire retiendra qu’il ne ménagea pas ses efforts pour maintenir – avec succès – l’unité des disciples de saint Ignace.

Retour en grâce

Au début des années 1990, après une décennie consacrée à des activités universitaires, le Père Bergoglio devient simple confesseur, dans la ville de Cordoba. Cette période est souvent considérée comme une disgrâce, consécutive à des rumeurs qui auraient couru sur ses actions durant les périodes de dictature, ou à un excès d’autorité du provincial de l’époque. Il ne reniera pas ces années pour autant, qu’il considérera comme une phase de purification, déterminante pour ses ministères ultérieurs. L’exil intérieur est de courte durée. En 1992, Jean-Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires. En 1998, il devient archevêque de la ville. Et en 2001, il intègre le collège cardinalice. En dépit de ses hautes fonctions, il se distingue alors par son souci des pauvres, sa proximité avec les fidèles et la simplicité de ses usages. Il doit aussi faire face à la sécularisation accélérée de la société argentine et à la défiance accrue du pouvoir à l’encontre de l’Église, en particulier sous Nestor puis Cristina Kirchner.

Horizontal et vertical

Selon plusieurs « fuites », le cardinal Bergoglio aurait été l’un des principaux concurrents de Josef Ratzinger durant le conclave de 2005, mais ce dernier l’aurait dépassé de plusieurs dizaines de voix. Deux ans plus tard, il est nommé président de la commission de rédaction du Document d’Aparecida, un texte essentiel qui vient mettre un terme à une longue période de méfiance larvée ou ouverte entre l’Église en Amérique latine et Rome. On y décèle la volonté d’articuler la vocation sociale de l’Église à un ancrage théologique profond et à une piété populaire ardente, préoccupation qui constitue une synthèse convaincante des convictions du cardinal Bergoglio.

Huit ans plus tard, il monte sur le trône pétrinien. Dès le lendemain de son élection, le 14 mars, il se rend à la basilique de Sainte-Marie-Majeure pour y déposer un bouquet de fleurs aux pieds de l’icône Salus populi romani. En moins de 24 heures, il assène plusieurs phrases caractéristiques de son style : brutes, efficaces, improvisées, frappées de bon sens, et parfois… déstabilisantes. L’Église « n’est qu’une ONG » si elle ne professe pas le Christ, affirme-t-il lors de sa Première Messe. « Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le diable. Quand nous ne clamons pas le nom de Jésus-Christ, nous proclamons le matérialisme du diable, le matérialisme du démon », dit-il encore. Son pontificat était lancé…

Premières pistes pour un bilan

Que retiendra-t-on du pape François ? Une foi profonde, pour commencer, manifestée par sa dévotion pour la Vierge Marie et saint Joseph. Une dénonciation sans faille de la mondanité spirituelle : « Il est ridicule qu’un vrai chrétien veuille aller sur la voie de la mondanité, qui est une attitude homicide. La mondanité spirituelle tue l’âme, tue les personnes, tue l’Église », dira-t-il en octobre 2013 à Assise. Une tentative de réforme de la Curie qui lui vaudra de nombreux procès en autoritarisme. Quatre encycliques dont Laudato sí (2015) qui manifeste sa préoccupation écologique, laquelle s’étend sans ambiguïté à la vie dans son ensemble, de son commencement à sa fin naturelle. Ses nombreuses initiatives en faveur des droits des migrants et de leur accueil dans les pays les plus riches, tout en affirmant le droit des hommes à ne pas quitter leurs pays. Et peut-être de manière plus anecdotique, on n’a sans doute pas fini de s’interroger sur le regard énigmatique qu’il portait sur la France : venu à trois reprises sur son territoire, à Strasbourg (2014), à Marseille (2023) et à Ajaccio (2024), il n’a jamais voulu considérer qu’il s’agissait de visites officielles auprès des catholiques de l’Hexagone. Mais s’il fallait ne retenir qu’une seule image de ces 12 années, ce serait sans doute celle du Saint-Père, seul, élevant l’ostensoir face à une place Saint-Pierre intégralement vidée par le Covid et battue par la pluie, lors de la bénédiction Urbi et Orbi du 27 mars 2020. Ce jour-là, face à une planète stupéfaite, il a rappelé avec une force inouïe qui est le centre de nos vies et de l’Histoire : le Christ. 

L’heure est désormais au deuil, en attendant les obsèques qui devraient survenir en fin de semaine. Les hommages rendus dès l’annonce de la mort du pape François témoignent de l’ampleur de son rayonnement, et laissent deviner un héritage dont on ne mesure pas encore tous les fruits. L’Église quant à elle, va poursuivre envers et contre tout le chemin entamé voici plus de 2000 ans.