Stabat Mater, quand la Vierge se tenait debout - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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Stabat Mater, quand la Vierge se tenait debout

Image :
Détail de la fresque de la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, cathédrale Notre-Dame de Paris. © Pascal Deloche / Godong

Stabat Mater, quand la Vierge se tenait debout

Stabat Mater, quand la Vierge se tenait debout

C’est un nouveau « fiat » que la Vierge prononce devant son Fils supplicié. Elle est l’autel sur lequel coulent lentement les gouttes du sang du Sauveur. Une méditation du Père Jean-François Thomas.
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Finiront-ils par L’arracher à sa Mère à force d’entêtement dans le mal ? Les hommes ne sont point en manque d’imagination et de constance dans ce domaine. Leur proie divine le savait bien avant même qu’ils ne naquissent. Mais cette Femme, elle, n’est que de chair et d’os, avec une âme humaine totalement préservée de souillure mais déchirée par la douleur. Elle avance en aveugle tout en sachant, de façon voilée, que la mort ne l’emportera pas. Elle qui n’est que contemplation et bénédiction, elle tangue maintenant sur cette sinistre colline de torture, vacillant sous les coups du vent malin qui cherche à déraciner la Croix du Salut. Cette ultime rafale va-t-elle l’emporter ?

La Vierge, agnelle de Dieu et lionne de Juda, ne faiblira pas. Elle a tout traversé durant ces heures sinistres, ses larmes se mêlant au Sang du Fils. Son cœur est telle une coupe débordante, non point d’amertume, de regret, de vengeance, mais d’humble fiat comme elle sut le faire tout au long de ces années de grâce, éduquant Jésus puis le suivant tout au long des chemins à travers déserts et collines verdoyantes. Elle avait regardé les foules, les pécheurs, les possédés, les estropiés et les malades du regard même de son Fils, les deux Cœurs ne faisant plus qu’un. Elle avait été sans cesse en veille et, désormais, elle est la vigie du Golgotha, l’étendard annonçant la Résurrection.

Oh ! certes, les pleurs ruissellent sur son visage car les larmes sont nécessaires à tout être qui aime, mais sans pour autant la défigurer car elle n’est pas écrasée. Elle ne gît pas au pied du gibet, contrairement à la pauvre Madeleine si fidèle qui s’accroche de ses ongles au bois portant le Bien-Aimé de la Création. Elle est le roc autour duquel s’agrippent les quelques saintes femmes et une poignée d’hommes courageux ainsi que Jean qu’elle a reçu comme fils. Même les prêtres, les scribes et les pharisiens qui injurient et narguent le Crucifié n’osent pas croiser le regard de la Mère endolorie. Le plus grand des criminels se souvient qu’il a une mère et il ne peut soutenir sans gêne une telle souffrance maternelle.

Elle porte le poids de son Fils

Bientôt elle recevra le Corps sur ses genoux. Elle en connaît le poids puisqu’elle le porta en son sein, tout frémissant alors et croissant chaque jour, en tout point comme pour n’importe quel enfant. Le poids de son Fils n’est cependant pas qu’humain, il est divin aussi et seule cette Femme fut préparée pour le porter sans frémir et sans fléchir. Durant la Passion, elle ne put le toucher pour l’apaiser, sauf, si brièvement, lorsqu’elle l’embrassa au coin d’une rue vociférante. Son visage si pâle en ce jour, ses mains qui travaillèrent pour le soin de son Jésus, ses vêtements, son voile sont maculés du Sang du Condamné. Ce Sang est aussi le sien puisqu’elle l’a formé en ses entrailles. Alors elle mérite une couronne identique, celle d’épines avant de recevoir celle de gloire. Nicodème et Joseph d’Arimathie, déclouant le Fils, auront soin de remettre à la Mère vénérée tous les objets de torture et elle les serrera contre son cœur, lui-même transpercé par tant de glaives. Elle est une héritière et elle transmettra à l’Église ces insignes reliques, et bien davantage encore car elle déposera dans le coffre de la Tradition tout ce qu’elle médita et conserva en son âme, mystères qu’elle seule pouvait accueillir et déchiffrer car les Apôtres étaient encore de pauvres bovins prétentieux et têtus.

Elle est un calice et un corporal

Stabat Mater, cela suffit pour que l’espérance ne meure pas. De loin, de très loin, certains disciples la voient et leur cœur tressaille, habité par une attente, indéfinissable, car aucun ne se souvient des paroles du Maître qui avait pourtant tout annoncé clairement tant de fois. Ici se dresse la compassion. La petite Marie de l’Annonciation est devenue la Charité. Elle est le sacrifice en écho à celui de son Fils. En cet instant, le Christ mort et pantelant dans ses bras de Pietà, Elle est l’autel sur lequel coulent lentement les gouttes du Sang du Sauveur. Elle est un calice et un corporal. Le dernier regard de Notre-Seigneur, avant qu’il n’expirât, fut pour la Très Sainte Vierge. La Vierge cessa tout d’un coup de pleurer car elle fut transpercée par une joie plus forte que toutes les douleurs : le Fils lui envoya une grâce insigne aplanissant toutes les rocailles. Elle sut, la première entre tous. Elle était prête, dans un compte à rebours paisible, à rencontrer son divin Fils au matin de la Résurrection, avant tous les autres témoins, non point pour confirmer sa foi mais pour couronner son amour.

Celle qui écrasera l’Ennemi

En attendant, sur ce Golgotha couvert peu à peu de ténèbres, l’Ennemi se déchaîne et il crie déjà victoire, mais il grince des dents en croisant le regard de la Vierge car il pressent qu’elle sera celle qui l’écrasera un jour du talon. Il voudrait l’atteindre mais il est impuissant puisqu’elle est immaculée et qu’elle n’appartient pas à ses légions. Elle est intouchable car sans tache. Il pense mettre à bas le Fils mais il n’a pas compris que le sacrifice consenti de Celui-ci est une conquête éclatante. Il en perd la raison. Stabat Mater… Il voudrait la déraciner mais sa rage est vaine. Bientôt il rendra les armes et retournera en son royaume de terreur. La Vierge sainte triomphe sur le Calvaire, en communion avec le Fils. Elle agit dans la Rédemption, demeurant debout, indestructible, insensible à l’attaque du péché qui se mobilise en cet instant pour ne pas être défait. Peine perdue ! Le Christ lui enlève son pouvoir de mort et le réduit à néant par la miséricorde.

Son Cœur est un livre ouvert

Quant à la Vierge, elle ne se fatigua jamais d’accepter ce qui est, sans discuter de la réalité, sans remettre en cause la volonté de Dieu, sans rejeter aucune épreuve. Au pied de la Croix, son Cœur immaculé est un livre ouvert. Ainsi demeure-t-il pour les âges à venir. À chacun de tourner les pages en se mouillant le doigt, avec application, avec le sérieux des petits écoliers d’antan peinant sur leurs devoirs : notre Mère se tient debout et elle ne manquera jamais à son amour.