272 icônes au Louvre - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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272 icônes au Louvre

Le musée du Louvre vient d’annoncer l’acquisition de la prestigieuse collection privée Abou Adal, un ensemble de 272 icônes rassemblées pendant près de cinquante ans à travers de très nombreux pays d’Orient.
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L’Archange saint Michel, premier quart du XVIIIe siècle, attribué à Ne’meh al-Musawwir, Melkite, Musée du Louvre, Paris. © Musée du Louvre – Dist. GrandPalaisRmn –Julien Vidal

Elles sont une expression du sacré, tellement sacrées qu’elles avaient fini par devenir des objets d’adoration de la part de fidèles chrétiens, obligeant l’Église à distinguer la vénération due aux images pieuses de leur adoration, qu’elle condamne. Fasciné par le pouvoir et l’histoire de ces icônes, Georges Abou Adal a voué son existence à les collectionner, jusqu’à en rassembler l’une des plus importantes collections privées au monde.

Il faut dire que Georges Abou Adal n’est pas un homme d’affaires comme les autres. Patron de presse libanais, c’est aussi une figure de proue de la communauté grecque-catholique. Il s’intéresse à l’art sacré oriental dès 1952, date à laquelle il fait l’acquisition de sa première icône. Peu à peu, les murs de sa maison de Beyrouth se chargent de ces peintures religieuses dorées sur bois, pour lesquelles l’homme d’affaires s’est pris de passion.

Désir de sauvegarde

Le voilà bientôt à parcourir les routes du Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est et jusqu’à la Méditerranée orientale, à la recherche d’icônes. Outre sa piété et son goût pour cet art millénaire, c’est une grande curiosité intellectuelle, mais aussi un désir de sauvegarder des œuvres pour certaines menacées de disparition qui animent le patron de presse devenu collectionneur.

Dans un Liban en pleine effervescence culturelle, et encore préservé de la guerre civile, Georges Abou Adal rassemble ainsi peu à peu une extraordinaire collection d’icônes, souvent signées par des maîtres. Au fil des ventes aux enchères qu’il fréquente assidument et à force de visites dans des monastères et des églises orthodoxes, cet amateur d’art se fait un fin connaisseur des icônes. Chacune de ses acquisitions est abondamment documentée et étudiée, alors même que l’Occident s’est profondément désintéressé du sujet.

Derrière ces icônes pourtant se cache tout un pan de l’histoire de la chrétienté. Apparue dès le début de l’art chrétien, et sans doute, pour la première, sous le pinceau de saint Luc, les icônes sont inséparables de la dévotion des fidèles chrétiens. Si un grand nombre de ces peintures sur bois ont disparu aux VIIIe et IXe siècles, en raison d’une politique iconoclaste en Orient, leur production a ensuite connu un essor considérable dans tout l’Orient et jusqu’au XXe siècle, illustrant l’évolution de l’art chrétien à travers les siècles et les périodes géographiques. C’est pour cette histoire que s’est passionné Georges Abou Adal, au point d’y consacrer les cinquante dernières années de son existence.

À sa mort, en 1982, c’est son fils aîné, Freddy Abou Adal qui hérite de la collection. Animé de la même passion que son père, il complète à son tour le précieux ensemble en participant à de très nombreuses ventes publiques dans les années 1990. À cette date, l’art religieux oriental connaît un regain d’intérêt en Occident.

Du XVe au XXe siècle

La collection Abou Adal compte alors plus de deux cents icônes issues de tout l’Orient et couvrant cinq siècles d’histoire, du début du XVe au XXe siècle. Du Liban à la Russie, en passant par les Balkans et la Transylvanie, les acquisitions de Georges Abou Adal illustrent une très large frange de l’histoire de l’art religieux oriental. Le fils aîné du collectionneur, n’allait pas tarder à faire connaître ce morceau d’histoire rassemblé et conservé par son père.

Sous son impulsion, la collection d’icônes est présentée à Paris, au musée Carnavalet, en 1993. Une première pour cet art sacré d’abord boudé par l’Occident et devenu peu à peu un objet de fascination. L’exposition est suivie d’une seconde, en 1997, à Genève cette fois, qui marque définitivement l’intérêt de l’Occident pour l’art de l’icône.

La troisième étape de cette histoire vient d’être franchie en mars dernier, avec l’annonce de l’acquisition par le Louvre de cette collection exceptionnelle rassemblée par la famille Abou Adal. Cet événement historique pour le Louvre est le fruit de deux ans de discussion avec le fils du collectionneur. Les 272 icônes ainsi cédées à l’institution marquent un pas décisif dans la constitution du département des Arts de Byzance et des Chrétientés en Orient qui ouvrira au Louvre à l’horizon 2027.

Le visiteur pourra dès lors y admirer des icônes signées par les plus grands maîtres de l’art religieux oriental, comme Michail Damaskinos, les frères Georgios ou encore Frangos Kontaris. Exceptionnelle par la renommée de ses artistes et la diversité des aires géographiques dont elle est issue, la collection l’est aussi par l’originalité des sujets représentés, comme la Fête de l’orthodoxie, qui illustre le rétablissement du culte des images après la crise iconoclaste, ou encore la Divine liturgie, représentation symbolique de l’Eucharistie.

L’acquisition de la collection Abou Adal marque donc « un acte fondateur » pour le Louvre, qui devient « l’une des seules collections muséales à pouvoir illustrer une telle diversité dans les régions de production de l’art de l’icône ».