D’où vous est venu cet intérêt pour la Légion étrangère ?
Céline Guillaume : Mon grand-père a fait la guerre du Rif, au Maroc, en 1926-1927. C’est à cette époque qu’il a connu la Légion étrangère qui l’a profondément marqué et dont il nous parlait souvent. Il en a conservé certains principes solides, comme cette maxime, « L’autorité vient d’en bas », qui continue de m’habiter aujourd’hui. Il était aussi très proche du Père François Casta, une grande figure qui, comme le Père Lallemand, fut aumônier de la Légion, notamment du 2e REP. J’ai été très proche de lui : il a été mon père spirituel, il nous a mariés, mon mari et moi, et a baptisé l’un de nos fils.
Comment en êtes-vous venue à vous appuyer sur la Légion pour mener une réflexion spirituelle ?
Comme chacun, j’observe les innombrables combats auxquels nous sommes confrontés, à titre individuel ou collectif. Comme saint Paul, je voudrais pouvoir dire un jour : « J’ai mené le bon combat, j’ai tenu jusqu’au bout. » Mais comment savoir que ce sont bien les bons combats que je livre ? Je me suis dit que les légionnaires pouvaient m’apporter des réponses. Ces réponses, je voudrais aussi les partager, en particulier aux jeunes auprès de qui j’interviens régulièrement, et dont le manque de repères me frappe profondément.
Car comment avancer dans un monde qui s’applique à tout déconstruire ?
Quels sont les principes de la Légion étrangère qui peuvent guider chacun d’entre nous ?
Je ne fais pas des légionnaires des saints – cela se saurait ! – mais je considère que le code d’honneur auquel ils se soumettent volontairement les tire vers le haut. La liberté, servir une mission qui vient d’en haut, la fidélité, la disposition à donner sa vie, sont au cœur de leur engagement. Si le combat que l’on engage est dirigé par ces principes, alors il me semble possible d’affirmer que c’est le « bon combat ».
Parler de combat suppose de désigner un ennemi…
Soljenitsyne dit dans L’Archipel du Goulag que « la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les États ni les classes ni les partis, mais qu’elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l’humanité ». Le premier combat à livrer est intérieur : il nous faut apprendre à connaître nos élans passionnels et à maîtriser ceux qui nous entraînent vers le mal, comme l’orgueil, la jalousie et tant d’autres. À ce titre, les Pères du désert sont des exemples magnifiques !
On semble loin du légionnaire que l’on forme à éliminer des ennemis bien extérieurs !
Détrompez-vous. Si le légionnaire est en effet un combattant redoutable, il est aussi quelqu’un qui sait remarquablement bien maîtriser sa violence. Le général Cyrille Youchtchenko, qui commande la Légion étrangère, me disait qu’au cours du recrutement, « on fait le tour des misères du monde ». Et pourtant, après être passés par une phase de dépouillement intense au cours de leur intégration, ces hommes développent une capacité singulière à se retenir dans le mal. Quand on lit le récit du Drakkar que nous livre le Père Lallemand, on voit à quel point le soldat peut être au service de la vie. Il donne tout et ne retient rien.
Les légionnaires nous invitent donc aussi à méditer sur la rédemption ?
Oui, car quel chemin parcouru pour beaucoup d’entre eux ! Ils viennent de loin, et parfois ils peuvent retomber dans leurs mauvais travers, mais ils savent que s’ils agissent mal, ils portent atteinte à tous leurs frères d’armes. Si, en s’inspirant d’eux, ce livre peut redonner de la profondeur à notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité qu’ils vivent au quotidien, alors il aura atteint son objectif. Et puis, regardons-les, ces légionnaires : ils ont le regard droit, les épaules solides, ils sont beaux ! Ils servent avec honneur et fidélité : donner sa vie pour les autres. Voilà le bon combat !
Mener le bon combat, Céline Guillaume, éd. Le Cerf, octobre 2024, 204 pages, 19 €.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Édouard de Castelnau