Quel enseignement sur la souffrance tirer de la vie de sainte Bernadette ?
Mgr Jean-Marc Micas : Dieu ne veut pas la souffrance, mais il laisse le mal aller jusqu’au bout de sa propre dynamique, sa propre logique. C’est ce qu’il a fait avec son propre Fils, en n’empêchant pas la Croix et la mise au tombeau, mais en manifestant un don de vie supérieur à tout cela. Il a laissé le mal aller au bout pour, en quelque sorte, mieux le terrasser.
Quel lien les pèlerins de Lourdes entretiennent-ils avec la figure de Bernadette ?
Ils ne viennent pas à Lourdes faire un pèlerinage auprès de sainte Bernadette, comme l’on va à Lisieux pour sainte Thérèse, mais pour la Vierge Marie. Mais en même temps, Bernadette est très présente, de la façon qu’elle l’était de son vivant : humble et discrète. Le fait qu’elle soit très aimée des gens, des petites gens en particulier, vient de sa simplicité et sa docilité naturelle, profonde dans la foi en l’œuvre de Dieu en elle. Sa sainteté est à portée de tous.
D’un point de vue personnel, quelle dévotion nourrissez-vous à l’égard de sainte Bernadette ?
J’ai une dévotion pour elle depuis toujours ! Je suis de la région et j’ai été hospitalier à Lourdes depuis mes 18 ans… Ce que j’aime beaucoup chez Bernadette est le fait qu’une fois sa mission accomplie elle se retire : elle ne fait pas écran entre Dieu et les gens. Elle le désigne, transmet son message et se retire à Nevers, où elle est malade. Elle prend d’ailleurs l’image d’une pendule : il y a la partie noble, visible, mais pour que ça marche, il faut un poids derrière. Elle assume d’être dans sa vocation, même si elle n’est ni visible, ni gratifiante.
Comment Lourdes est-il devenu le sanctuaire des malades ?
Quasiment par accident. Dès les apparitions, alors que ce n’était pas ce qu’avait demandé la dame à Bernadette, la piété populaire a poussé une habitante de Lourdes à plonger son enfant dans la source mise à jour par Bernadette. Et cet enfant, qui était voué à la mort, a été guéri instantanément. À partir de là, d’autres malades sont venus en confiance faire le même geste envers la grotte, et ça n’a jamais cessé depuis.
En tant qu’évêque de Lourdes, que vous inspire le projet de loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté ?
Il a pour moi une résonance toute particulière. Parce qu’en regardant la population des malades présents à Lourdes, je me dis qu’avec de telles « valeurs », une telle approche, la moitié d’entre eux aurait déjà dû disparaître depuis longtemps.
Le 71e miraculé
La guérison de John Traynor en 1923 a été reconnue il y a quelques semaines.
Le dossier était totalement ficelé mais avait été égaré dans les archives de Lourdes il y a plusieurs décennies, avant d’être récemment retrouvé. Aussi l’archevêque de Liverpool, Mgr Malcolm McMahon, n’a-t-il eu aucun mal à proclamer officiellement, le 8 décembre 2024, la guérison miraculeuse de John Traynor (1883-1943) en 1923, attribuée à « la puissance de Dieu par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes ». Blessé à deux reprises lors de la Première Guerre mondiale, cet Anglais perdit l’usage de son bras droit et fut victime de graves crises d’épilepsie. À cause d’une trépanation ratée, il fut par la suite partiellement paralysé des jambes. Lors du premier pèlerinage à Lourdes du diocèse de Liverpool, en 1923, il guérit après avoir été immergé dans les piscines, avoir participé à la procession eucharistique et reçu la bénédiction des malades, comme l’ont constaté les médecins présents sur place. Il reviendra à Lourdes en tant qu’hospitalier jusqu’en 1939. C. V.