Artificielle ou naturelle ? La bataille de l'intelligence - France Catholique
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Sainte Bernadette, sa vie cachée
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Artificielle ou naturelle ? La bataille de l’intelligence

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Saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique, retable de Carlo Crivelli, 1494.

Saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique, retable de Carlo Crivelli, 1494. © National Gallery de Londres

Bonne nouvelle, saint Thomas d’Aquin n’a pas dit son dernier mot ! Dans la gigantesque bataille technologique et économique qui s’est engagée sur le terrain de l’intelligence artificielle (IA), entre la Chine et les États-Unis notamment, pour la conquête de ce nouvel eldorado – ou supposé tel –, un autre son de cloche se fait entendre : celui de l’Église. D’abord à travers un texte de référence, publié par le Vatican à la veille du Sommet international sur l’intelligence artificielle à Paris, le 10 février.

Une crise de la vérité

Tout en encourageant les progrès de la science, la note intitulée Antiqua et Nova pointe les dangers de l’IA, qui se résument pour elle en un mot : l’idolâtrie. C’est-à-dire, précise le texte, « la prétention de remplacer Dieu par une œuvre de ses propres mains ». Tentation vieille comme le monde, celle de Babel, et qui risque de créer « un substitut de Dieu », brouillant la frontière entre l’humain et l’artificiel.

De fait, des enquêtes récentes ont mis en garde contre le péril de ne plus faire la différence entre des images véritables et d’autres conçues par l’IA, induisant une perte de confiance. Si on ne peut prouver la réalité, alors tout devient faux. Et à qui se fier ? Le Saint-Siège parle d’une « crise de la vérité ».

C’est donc le moment pour aller puiser dans le trésor ancien de l’Église, chez ce maître de l’intelligence qu’est saint Thomas d’Aquin, les clefs d’un bon discernement sur le sujet. C’est tout l’intérêt du nouvel ouvrage du Père Xavier Géron1, qui incite à choisir entre deux formes d’intelligence, l’artificielle et la naturelle. D’un côté, la puissance de calcul extrêmement performante de la technologie ; de l’autre, une intelligence « naturelle », humaine, capable, malgré d’évidentes limites, de saisir ce qui la dépasse, y compris les réalités spirituelles, et également d’être en lien avec le corps, qui l’unit au monde réel. Ce que confirme la science, avec le psychologue Pierre Janet, qui affirmait au XIXe siècle : « Il n’est pas juste de dire que l’homme pense avec son cerveau, (…) c’est avec son corps tout entier. »

En résumé, la spécificité de l’intelligence humaine est de passer de l’expérience sensible au spirituel, pour aller jusqu’à l’adoration, par la reconnaissance de la perfection absolue qu’est Dieu. « Une intelligence sans amour et qui ne veut pas aimer se réduit fatalement à s’ériger à la place de Dieu dans un orgueil qui n’a d’autre nom que Satan », prévient le Père Géron, qui rappelle que Lucifer est aussi la créature la plus intelligente qui soit.

Sans compter que le fait de recevoir grâce à l’IA une masse considérable d’informations, sans possibilité de jugement critique, donne prise à toutes les manipulations par « la lobotomisation des consciences » et la pensée unique…

Pour répondre à cette nouvelle forme d’une antique menace – « Vous serez comme des dieux » (Gn 3, 5) –, l’auteur rappelle enfin que Dieu « a choisi de se manifester dans un corps », Jésus-Christ. Raison pour laquelle le grand savant qu’était saint Thomas a trempé ses écrits dans la sagesse divine, celle de l’eucharistie, pour laquelle il a écrit d’admirables prières. Ce besoin de retour au monde réel constituera ainsi le seul véritable antidote aux pièges de l’intelligence artificielle.

  1. Intelligence artificielle et intelligence naturelle avec saint Thomas d’Aquin, Saint-Léger éditions. ↩︎