« La sainteté des enfants est un cadeau fait à l’Église » - France Catholique
Edit Template
Enfance : éduquer à la sainteté
Edit Template

« La sainteté des enfants est un cadeau fait à l’Église »

Le 31 janvier, l’Église célèbre saint Jean Bosco, proclamé « père et maître de la jeunesse » par Jean-Paul II. Les nombreux enfants canonisés par l’Église montrent que la sainteté n’est pas réservée aux adultes. Dès lors, il ne faut pas hésiter à les préparer à cette exigence chrétienne, explique Dom Ludovic Lécuru, moine bénédictin à l’abbaye de Saint-Wandrille.
Copier le lien

© Philippe Lissac / Godong

Les enfants sont-ils prédisposés à la sainteté ?

Dom Ludovic Lécuru : Il faut d’abord rappeler que la sainteté est la vocation de tous les baptisés, puisque nous recevons au baptême l’Esprit Saint qui nous rend saints. Dès lors, les enfants sont appelés à la sainteté autant que les adultes. Il y a chez eux un sens du surnaturel plus instinctif que chez les grandes personnes. Cette capacité de l’enfant à voir le surnaturel est quelque chose que l’adulte perd à mesure qu’il grandit, qu’il se met à voir les choses de façon pragmatique, matérielle… Ce n’est pas pour rien que Jésus dit : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux » (Mt 18, 3). Les paroles du Christ sont claires ! Avoir le sens de l’invisible est une caractéristique de la sainteté. Je me souviens d’un petit garçon de 3 ans qui, téléphonant à sa grand-mère, avait embrassé le portable pour lui dire au revoir. Voilà qui prouve que, pour les enfants, tout est dans l’instant présent.

Comment, en tant qu’éducateur, guider les enfants vers la sainteté ?

En étant persuadé que là où il y a plus de sainteté, il y a plus d’humanité. L’enfant, de façon mystérieuse, sait ce qui est important dans une église. Si vous montrez une statue de la Vierge Marie en lui disant : « C’est la Vierge Marie », il comprend et le croit. Réalise-t-on à quel point il est fondateur pour un enfant de reconnaître à 2 ans qui est Jésus, la Sainte Vierge, saint Joseph ? L’éveil spirituel n’a pas de limites, mais il a un début : n’attendons pas que l’enfant soit au catéchisme, ne mettons pas non plus de conditions… Quand une maman tient son enfant dans les bras dans une église, lui montre le tabernacle et la lumière qui indique que Jésus est là, quelle incidence sur l’âme de chacun ! Ici encore, c’est l’évidence du surnaturel chez les enfants qui les prédispose à comprendre les choses saintes. Un autre exemple : le signe de croix. Un enfant n’a pas de problème à le faire, alors qu’un adulte, très rationnel, n’osera pas vraiment, surtout s’il y a du monde. L’enfant a besoin d’apprendre. Or, ses parents sont pour lui ceux qui l’aiment, le protègent, ceux dont il dépend entièrement. Ils sont comme Dieu. « Dans la paternité et la maternité responsables, Dieu est présent », disait Jean-Paul II. L’éducation à la sainteté commence à la maison, entre papa et maman.

Y a-t-il d’autres voies privilégiées ?

Il faut aussi parler de la sainteté aux enfants en leur présentant les saints et notamment leur saint patron. La litanie des saints, que beaucoup de familles prient le soir, est un moyen privilégié. Non seulement les enfants entendent leur prénom, ce qui est important pour eux, mais ils comprennent que leur « saint » patron leur enseigne une belle histoire, une relation avec Dieu.

Vous avez évoqué le rôle des parents dans l’éducation à la sainteté. Qu’en est-il des grands-parents ?

Leur rôle aussi est capital. On attend d’eux la transmission de la foi et la confirmation que ce qui est reçu à la maison était déjà vrai avant. C’est également le rôle des parrains et marraines. Tout le monde a un rôle d’éducateur d’un petit dans la transmission de la foi. Plus la foi est assumée par les éducateurs, plus elle est reçue fermement et véritablement par l’enfant, et plus il est prédisposé à une relation constante avec Dieu, à l’aimer, à lui faire confiance, à lui obéir, caractéristique de la sainteté à tout âge.

Certains parents choisissent de ne pas faire baptiser leur enfant pour lui « laisser le choix plus tard ». Ne faudrait-il pas laisser son enfant libre de choisir la sainteté ?

Quand un parent laisse à un jeune enfant le choix du baptême, cela veut dire qu’il ne s’engage pas. Et pour choisir « plus tard », encore faut-il qu’il y ait matière à choisir. Nombreux sont ceux qui « laissent choisir » sans rien proposer. Cela n’a aucun sens. D’ailleurs, les parents ont-ils laissé à leur enfant le choix de son prénom ? De le nourrir ? De le protéger ? Le baptême, l’éducation à la sainteté font partie de ce dont un enfant a besoin pour vivre, tout autant que les soins matériels. Combien de fois les prêtres entendent de jeunes adultes demandant le baptême, « je regrette que mes parents ne m’aient pas parlé de la foi plus tôt » ? C’est pour eux comme une perte de temps, une injustice. Si un adulte hésite à parler de foi et de sainteté à un enfant, il doit se poser la question : qu’est-ce qui, en moi, m’empêche de lui en parler ?

La sainteté d’un enfant est-elle aussi méritoire que celle d’un adulte ? On peut imaginer que l’adulte doit faire plus d’effort de conversion pour s’arracher à l’esprit du monde…

Un acte héroïque posé par un enfant reste un acte héroïque dès lors qu’il est motivé par l’amour de Jésus de manière constante et malgré les difficultés. Tout cela est encore plus beau à partir de l’âge de raison, que l’Église fixe à 7 ans, quand un enfant est capable de savoir que ce qu’il fait est vertueux ou non. À partir de cet âge, l’enfant sait où est le bien et peut librement y adhérer et l’accomplir. Ce n’est pas pour rien que c’est à partir de 7 ans que saint Pie X a souhaité que les enfants commencent à se préparer à communier. La spontanéité d’un enfant, son enthousiasme, facilitent certainement sa piété, mais sa faiblesse naturelle l’expose tout autant qu’un adulte au combat spirituel. Pour grandir dans la foi, l’espérance et la charité, les efforts de conversion d’un enfant sont tout aussi authentiques et vertueux que ceux d’un adulte, même si ce sont des actes d’enfant.

Si la sainteté est également méritoire, est-elle en tout point identique ?

Dans les deux cas, il s’agit de sainteté humaine, mais un acte vertueux d’un enfant est différent de celui d’un adulte. Ils sont égaux en sainteté, mais leur développement psychologique n’est pas le même. Un sacrifice ordinaire pour un adulte, jeûner par exemple, peut être plus méritoire chez un enfant à cause de sa fragilité humaine. Regardez l’exemple du jeune Guy de Fontgalland : il n’aimait pas manger de viande, mais le faisait par esprit de sacrifice (lire encadré). Un vendredi où il n’y avait que du poisson et où il ne pouvait donc pas s’abstenir de viande, il décida, en remplacement, de mettre un caillou dans sa chaussure. On sourit parce qu’aucun adulte ne ferait cela ! À l’inverse, un enfant aura plus de facilité à prier parce qu’il fait plus aisément confiance et que sa foi est préservée des épreuves que l’adulte a traversées.

Quel enseignement les fidèles doivent-ils tirer de la possibilité pour des enfants d’être saints ?

Le modèle des enfants saints est un cadeau de l’Esprit Saint à l’Église en ce sens qu’il nous fait voir ce qu’a été la vie cachée du Christ. En effet, nous connaissons surtout sa vie publique, c’est-à-dire les trois dernières années de sa vie. Mais quand nous confessons que Dieu s’est fait homme, nous confessons par là même qu’il s’est fait petit enfant. Et la sainteté de l’enfant est une participation à l’humanité du Christ enfant.

Un adulte peut-il s’inspirer de la vie d’un enfant déclaré saint par l’Église ?

Oui, ces modèles de sainteté d’enfant sont aussi des exemples pour les adultes invités à « devenir comme des enfants ». Ils peuvent y puiser une mentalité nouvelle et des modèles à transmettre. L’esprit d’enfance n’est pas de l’infantilisation. C’est la capacité des enfants à tout recevoir : la vie, l’amour, la protection, la tendresse… Dans le domaine spirituel, cela s’appelle l’esprit d’abandon, cette confiance absolue en Dieu que sainte Thérèse résume par sa « petite voie ». Cette qualité d’enfant, lorsqu’elle est vécue par un adulte, lui permet d’avancer à grands pas vers la sainteté.

Guy de Fontgalland
Serviteur de Dieu
Le serviteur de Dieu Guy de Fontgalland naquit à Paris le 30 novembre 1913. Lors de son baptême, il fut consacré à la Sainte Vierge qu’il appellera sa « Maman du Ciel ». La relation de Guy avec Dieu culmina le dimanche 22 mai 1921 : au cours de son action de grâce de sa première communion à l’âge de 7 ans, dans la crypte de l’église Saint-Honoré-d’Eylau à Paris, il promit à Jésus de devenir prêtre. Il entendit dans le fond de son âme Jésus lui répondre : « Tu ne seras pas prêtre. Je ferai de toi un ange. » Ce à quoi, stupéfait, Guy répondit : « Oui. » L’enfant n’oubliera jamais ces paroles divines. Il en renforçait le souvenir en répétant volontiers : « Oui est le plus joli mot que l’on puisse dire au bon Dieu. » À Lourdes, en juillet 1924, la Vierge Marie lui confirma « qu’[elle] viendrait bientôt [l]e chercher pour [l]’emmener au ciel. » Le 7 décembre 1924, jour où il tomba malade, Guy révéla ces dialogues intérieurs à sa mère, qui ne savait pas ce qu’il fallait en penser.
Guy mourut le 24 janvier 1925, il y a tout juste cent ans. Sa cause, l’une des premières d’un enfant ni martyr ni voyant, a été introduite en 1932. Il repose au cimetière Gay-Lussac, à Bourg-lès-Valence (Drôme). Guy ne fut pas le prêtre qu’il aurait aimé être pour aimer et faire aimer Jésus. Néanmoins, en lui disant « oui » au cours de la messe à l’âge de 7 ans, sa vie devint une participation à l’offrande du Christ à son Père.   L. L.

Un ange pour Jésus, Guy de Fontgalland, Ludovic Lécuru, éd. Téqui, 2003, 45 pages, 14,90 €.

Guy de Fontgalland. Un sacrifice de louange, Ludovic Lécuru, éd. Le Sarment-Fayard, 1998, 267 pages, 10,90 €.