« Ces scélérats mangent du pain pour rien » : en 1794, les martyrs de Laval - France Catholique
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Persécutions : le martyre des chrétiens
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« Ces scélérats mangent du pain pour rien » : en 1794, les martyrs de Laval

À Laval, 14 prêtres réfractaires seront guillotinés le 21 janvier 1794. Pour célébrer l’assassinat, un an auparavant, du "tyran" Louis XVI…
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Les 14 prêtres martyrs de la Révolution, guillotinés le 21 janvier 1794 à Laval, église Saint-Ouen de Saint-Ouën-des-Toits.

Ce 21 janvier 1794 marque le premier anniversaire de « la mort du tyran », l’exécution de Louis XVI. Désireux de se faire apprécier de la Convention, le comité révolutionnaire de Laval cherche l’initiative qui lui permettrait, à cette occasion, de se distinguer. Il n’en est qu’une : faire couler le sang, prouvant ainsi sa participation active à la régénération de la nation… Les municipalités de l’Ouest insurgé massacrant à tout va depuis des mois, il faudrait se démarquer par un événement symbolique et « festif ». L’on vient de s’offrir une guillotine, l’inaugurer serait plaisant ! Et pourquoi pas en y expédiant les « scélérats qui, à Patience, mangent inutilement le pain de la République »

Assignés à résidence

« Patience », c’est le couvent des clarisses que les révolutionnaires ont transformé en prison pour les prêtres réfractaires. Leur crime ? Être restés fidèles à la foi et à Rome en refusant le serment à la constitution civile du clergé, jugée schismatique par le pape Pie VI. Une partie du clergé a émigré, et les jeunes prêtres sont passés dans la clandestinité. Mais la majorité s’est soumise aux mesures prises contre les « réfractaires » : assignation à résidence surveillée au chef-lieu, emprisonnement.

Après les massacres de septembre 1792, le gouvernement révolutionnaire a décidé de déporter les réfractaires emprisonnés, excepté les infirmes, malades et « vieillards » de plus de 60 ans. Soit, à Laval, 120 prêtres, qui seront transférés à Rambouillet en octobre 1793 pour empêcher les Vendéens de les libérer. Une quinzaine d’entre eux, intransportable, est restée en Mayenne. Ce sont eux, « les scélérats qui mangent du pain pour rien », que l’on enverra « cracher dans le panier » pour célébrer le 21 janvier…

La liste est vite dressée (lire encadré). La parodie de procès du 21 janvier 1794 fera croire à une procédure légale mais le verdict est dicté d’avance. Fameux pour des condamnations de femmes enceintes et d’enfants, les juges sont des élus locaux d’extrême gauche et deux prêtres apostats, ignorants du droit et s’en targuant, qui enverront plus de 500 personnes à l’échafaud.

Parodie de procès

Le « procès » se borne à un interrogatoire d’identité et une question : « Avez-vous prêté serment à la constitution civile du clergé ? » – serment qui n’existe plus à cette date et que certains accusés n’étaient pas tenus de prêter ! En fait, on leur demande d’apostasier, précisant au Père Triquerie : « Le serment que nous exigeons de toi est de ne plus professer aucune religion, ni surtout la catholique qui est sans doute la tienne. » C’est clair et apporte canoniquement la preuve du martyre.

« Je serai fidèle à Jésus-Christ jusqu’à mon dernier soupir », rétorque Triquerie. Le Père Gallot renchérit : « Je serai toujours catholique, jamais je ne rougirai de Jésus-Christ ! » « Je ne salirai pas ma vieillesse ! » crie l’abbé Philippot, totalement sourd, quand il comprend ce qu’on lui demande. Le Père Pellé se fâche : « Mais vous m’embêtez, avec votre satané serment ! C’est non, non et non ! Je ne le ferai pas ! » On essaie de fléchir l’abbé Ambroise : « Tout le monde sait que tu es janséniste. Jure donc ! » Dignement, il répond être « heureux de laver ses fautes dans son sang ». L’abbé Turpin du Cormier résume l’opinion générale : ils ne prêteront pas un serment « contraire à la loi de Dieu ». C’est la mort pour tous. « Deo gratias », s’écrient-ils.

« Il est au Ciel ! »

Les quatorze martyrs se confessent mutuellement et, à la sortie du tribunal, entonnent le Salve Regina et les litanies de la Vierge. Une foule compacte et consternée assiste à la scène, sous un ciel noir zébré de lueurs rouges d’où le soleil jaillit soudain éclairant l’échafaud et faisant dire que « le ciel s’ouvre pour accueillir les martyrs ». En en gravissant le premier les marches, l’abbé Pellé se tourne vers l’assistance : « Nous vous avons appris à vivre. Maintenant apprenez de nous à mourir. » Quand sa tête tombe, Turpin s’écrie : « Il est au Ciel ! » et entonne le Te Deum, rappelant qui est le Vainqueur éternel.

Les fossoyeurs, pris de scrupules, au lieu de jeter les cadavres dans les fosses communes les inhument dans une tombe particulière facile à repérer ; rendant la sépulture identifiable en 1816 lors de leur translation à la basilique Notre-Dame d’Avesnières.

Pie XII a béatifié les quatorze prêtres martyrs de Laval ; ils attendent d’être canonisés puisque leur manque, individuellement, le miracle réclamé par Rome. Encore faudrait-il, pour l’obtenir, penser à les prier !

Les 14 martyrs
Jean-Baptiste Turpin du Cormier, 60 ans, curé de la Trinité de Laval, chef de file de la résistance au serment.
Jean-Marie Gallot, 46 ans, son vicaire, infirme, franc-maçon repenti.
Les abbés Joseph Pellé, 72 ans, aumônier des clarisses,
René Ambroise, 72 ans, janséniste mais qui a refusé le serment,
François Duchesne, 56 ans, aumônier des Incurables, providence des pauvres de la ville, tenu pour un saint,
Julien Morin de La Girardière, 55 ans, qu’une maladie cardiaque a contraint à une retraite prématurée,
Jacques André, 46 ans, doyen de Sillé-le-Guillaume, très malade,
André Duliou, 65 ans, curé de Saint-Fort,
Louis Gastineau, 65 ans, aumônier des forges de Port-Brillet,
François Migoret-Lamberdière, 64 ans, curé de Rennes-en-Grenouilles, diminué par un AVC,
Julien Moulé, 76 ans, curé de Saulges, infirme,
Augustin Philippot, 76 ans, curé de La Bazouge-des-Alleux,
Pierre Thomas, 74 ans, aumônier d’un couvent de Château-Gontier,
Jean Triquerie, capucin, 62 ans.