La nuit de Noël a-t-elle eu lieu précisément il y a 2024 ans ? Si l’on doit au moine Denys le Petit (VIe siècle) d’avoir fixé « l’an 1 » à cette date, les historiens modernes sont partagés sur l’année de naissance de Jésus. Mais qu’il soit né en l’an 1, ou en -4 n’a que peu d’importance : lorsque saint Luc donne pour repère chronologique « en ces jours-là », lorsque paraît un édit de l’empereur Auguste « ordonnant de recenser toute la terre » (Lc 2, 1), l’évangéliste inscrit la naissance du Sauveur dans une époque historique, non dans le « il était une fois » des mythes.
La nuit de Noël
En revanche, il n’y a pas de raison de douter de la réalité historique de la nuit du 24 au 25 décembre, même si l’on nous a rebattu les oreilles d’une récupération tardive par l’Église des célébrations du solstice d’hiver célébré à cette date, du « culte de Mithra », du « soleil invaincu »… Il est vrai que la coïncidence permit d’en finir avec des cultes païens en les christianisant, mais est-ce coïncidence ou volonté divine ? Un argument de poids en faveur de la nuit du 24 au 25 décembre est paru en 1999. Cette année-là, Jacob Talmon, un universitaire israélien, a publié le résultat de ses recherches consacrées à la reconstitution – grâce aux manuscrits de Qumran –, de la Grille des Gardes sacerdotales, calendrier liturgique établissant l’emploi du temps des prêtres du Temple de Jérusalem. Il y démontre que Zacharie, de la classe sacerdotale d’Abia, n’a pu monter à l’autel des parfums dans le Saint des Saints qu’un 24 septembre, fête des expiations. C’est à ce moment-là que, selon saint Luc, l’archange Gabriel lui apparut pour lui annoncer que sa femme Élisabeth mettrait au monde un fils : Jean-Baptiste – ce qui accrédite la naissance du Précurseur le 24 juin, neuf mois après, date à laquelle il est fêté par l’Église catholique. Or, saint Luc relate que lors de l’Annonciation, Gabriel annonce à la Vierge Marie que sa cousine Élisabeth en est à son « sixième mois » (1, 36). À partir de là, on peut dater l’Annonciation de six mois après le 24 septembre, soit le 25 mars, date de la fête liturgique fixée par l’Église. Et si l’on rajoute neuf mois au 25 mars, la date de la Nativité est fixée : le 25 décembre.
Les bergers de décembre
Autre point discuté : la présence de bergers dans le récit de la Nativité, au motif qu’on ne mettrait pas les bêtes aux champs fin décembre… Pourtant, jusqu’à une époque récente, c’est le seul moment, en Judée, après un été torride et avant les froidures hivernales, quand les pluies d’automne ont fait repousser l’herbe, où les bergers conduisaient leurs troupeaux dans les vallons proches de Bethléem où il gelait rarement. Et puis, en ce début d’hiver, il y avait une autre explication à cela : le recensement avait contraint les bergers à libérer les étables où vivaient les bêtes pour faire place aux voyageurs. Dès le début de son Évangile, saint Luc affirme « s’être informé soigneusement sur chaque circonstance » (1,3), sûrement auprès de Marie, seule à même de raconter la Nativité. Aussi, que Jésus soit né dans une crèche, cela ne s’invente pas : qui prétendrait le roi des rois « né dans une humble crèche » pour confondre les grandeurs de ce monde ? Une grotte étable, parfaitement identifiée, était d’ailleurs vénérée dès les commencements du christianisme, au point que l’empereur Hadrien la profana en installant par dérision un culte accompagné de prostitution sacrée là où la Vierge avait enfanté. Quant à l’âne et au bœuf, annoncés par le prophète Isaïe – « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas » (1, 3) –, ils ont beau ne pas figurer dans les Évangiles, leur présence n’est pas incongrue : il a fallu un âne pour transporter la Mère et les bagages, et dans une étable, la présence d’un bœuf n’a rien d’étonnant. Tout est crédible, bien qu’inattendu et scandaleux aux yeux du monde.
L’étoile de Noël
« Vous trouverez un nouveau-né » dit l’ange aux bergers. C’est un « non-signe », contraire d’une épiphanie triomphale mais les bergers, déclassés, pauvres d’Israël pour qui les chœurs angéliques se sont déplacés, s’en contenteront, et ils adoreront. Comme adoreront ces savants astronomes babyloniens appelés mages, étonnés de l’apparition d’un astre étrange dans le ciel. Les rationalistes ont dit l’étoile « conjonction de Saturne, Mars et Jupiter »… Mais cette explication ne tient pas compte des dates du phénomène céleste, ni de son trajet qui ne correspond à aucun autre, ni de ses variations d’intensité, diminuant à Jérusalem puis reprenant son éclat pour « conduire au berceau de l’Enfant ». Cet astre, des astronomes chinois l’ont vu, eux aussi, et noté. Pourquoi ne pas admettre qu’il a surgi en dehors des lois ordinaires, comme à Fatima le soleil dansera ? Est-ce devenu si difficile, alors que nous l’admettions si aisément en notre enfance ? Alors, avant de crier à l’absurde, essayons de retrouver nos yeux d’alors car, « si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux » (Mt 18, 3).