L’Avent renvoie à l’Avènement : l’Avènement du Sauveur auquel il importe de se préparer, avec toutes les dispositions spirituelles nécessaires. Pour les chrétiens, c’est le début d’une nouvelle année liturgique qui permet de méditer dans toute son ampleur ce que signifie l’Incarnation du Verbe en ce monde. « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous », peut-on lire dans le prologue de l’Évangile selon saint Jean. Il s’agit du plus grand événement de l’histoire humaine, celui qui bouleversa notre condition, en lui donnant une portée divine et, du même coup, l’arracha à l’absurde d’une existence sans but ni signification.
La modernité désespérée
Certes, une certaine modernité a cru pouvoir s’émanciper du monothéisme biblique en décrétant la mort de Dieu et l’émancipation d’une humanité enfin libérée de toute dépendance extérieure. Mais elle n’a réussi qu’à s’enfermer dans ce que le Père de Lubac appelait Le drame de l’humanisme athée.
On n’a pas suffisamment relevé, comme y insistait René Girard, que cette mort de Dieu est un véritable drame, un meurtre aux conséquences incalculables : « Nous avons vidé la mer », écrivait Nietzsche. Ce qui en résultait, c’était la solitude désespérée, l’enfermement sur soi. Et au terme, l’absurde, que ne saurait dissoudre une raison dont les prétendues Lumières ne sont que des clignotants sans rayonnement. D’autant qu’elles ont même répudié l’héritage hellénique avec ses interrogations platoniciennes.
Retrouverons-nous, en cet Avent 2024, la querelle des crèches, telle qu’elle a rebondi ces dernières années et qui va bien au-delà d’un débat culturel ? Certes, c’est notre héritage qui est en cause, avec un imaginaire qui continue à enchanter nos villes et nos villages. Mais un héritage qui va bien au-delà d’une simple poésie. La grande philosophe Hannah Arendt accordait une importance singulière au fait de la naissance, de toute naissance humaine. Et elle était particulièrement attentive au mystère de Noël – « un enfant nous est né » – qui surdétermine la naissance de tout enfant.
La crèche dans l’espace public
Voilà justement ce qu’un laïcisme étroit, idéologique, voudrait effacer de la conscience en interdisant la crèche de Noël dans l’espace public. La laïcité n’est légitime que lorsqu’elle permet et favorise la liberté de conscience et son corollaire la liberté religieuse. Elle devient odieuse lorsqu’elle s’oppose à toute expression des convictions et aussi de l’imaginaire lié au roman national. Cela est d’autant plus évident lorsque des municipalités tentent de remplacer les symboles de Noël par d’autres symboles de rechange, qui voudraient s’imposer comme une alternative laïciste.
Cependant la période de l’Avent s’offre aux chrétiens comme une période de méditation apaisée, pour libérer l’âme et le cœur des fracas actuels du monde. Non pour les méconnaître mais pour les référer à l’espérance apportée par les anges qui chantent « Paix aux hommes de bonne volonté ».
Ce qu’exprime aussi un vieux cantique : « Il vient de naître en ce lieu un Seigneur doux et pacifique. »