On la croyait disparue, reléguée au rang des accessoires superflus. Elle, c’est-à-dire la piété populaire, qui regroupe des traditions et objets familiers inscrivant la foi dans le quotidien de la vie : médailles, chapelets, bougies, bénédictions, vénération des reliques de saints… Superstitions que tout cela, entendait-on, enfantillages !
Sauf qu’à l’heure du transhumanisme et des écrans qui coupent de la réalité, il devient encore plus urgent de réhabiliter ces dévotions qui rappellent d’abord que le christianisme est une religion incarnée : Dieu qui se fait homme, avec un Cœur, des sentiments, un corps… La foi catholique n’est pas une spiritualité abstraite, une idée ou un symbole que l’on pourrait remodeler au gré de ses humeurs et désirs.
Résistance de la foi des petits
En réalité, la piété populaire n’a jamais totalement été perdue. Dans les années 1970-80, elle subsistait, de manière plus ou moins souterraine, circonscrite aux sanctuaires comme à Lourdes, au mieux tolérée chez les pauvres et les petits, quand les grands et les savants la regardaient avec condescendance, estimant préférable une foi « adulte » – traduire par « rationaliste ». Encore qu’un ancien président socialiste, à la fin de sa vie, avait souhaité en 1995 se recueillir discrètement devant les reliques de sainte Thérèse de Lisieux…
C’est le sensus fidei, le sens de la foi du peuple de Dieu, qui ne se réduit pas à une classe sociale, mais qui est en fait « la piété de tous » et nous revient par les pays du Sud, affirmait le Père Maximilien de la Martinière dans nos colonnes, lui qui s’est littéralement « converti » à la piété populaire au Brésil. Ainsi, on comprend mieux pourquoi le pape François souhaite se rendre en Corse le 15 décembre, pour conclure un colloque sur la piété populaire en Méditerranée.
Dans sa récente encyclique sur le Sacré-Cœur, le Souverain pontife avait déjà exprimé clairement sa volonté de réhabiliter ces pratiques : « Les Chemins de Croix, la dévotion aux plaies, la spiritualité du Précieux sang, la dévotion au Cœur de Jésus, les pratiques eucharistiques […]. Tout cela a suppléé aux lacunes de la théologie en nourrissant l’imagination et le cœur, l’amour et la tendresse pour le Christ… » (63).
Enfin, un des aspects essentiels de cette piété populaire réside dans son caractère public assumé, à travers des processions et des pèlerinages… Manière aussi pour l’Église de renouer avec sa dimension sociale, à rebours d’une conception purement privée de la foi. La solennité du Christ-Roi, ce dimanche 24 novembre, est là pour le rappeler : « Les hommes ne sont pas moins soumis à l’autorité du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privée. Il est l’unique source du salut, de celui des sociétés comme de celui des individus », soulignait le pape Pie XI dans son encyclique Quas primas, qui instituait une fête annuelle en l’honneur du Christ-Roi, il y aura 100 ans en 2025.
L’enjeu n’était pas mince : « Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix – se répandraient infailliblement sur la société tout entière. » Réhabiliter la piété populaire constitue un premier pas…