Sur le papier, l’accord de libre-échange que l’Union européenne serait sur le point de signer avec le Mercosur – qui regroupe l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie – ne manque pas d’intérêt. Le Monde (16/11) le souligne : « S’il voyait le jour, l’accord serait le traité de libre-échange le plus important conclu par l’UE, tant en termes de population concernée – 780 millions de personnes – et de volumes d’échanges – entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations. » Voitures, vêtements, vin… Autant de produits stratégiques qui pourraient désormais pénétrer le marché sud-américain sans être soumis à des droits de douane élevés.
Risques sanitaires
La contrepartie de cet accord, c’est la suppression des droits sur des produits du Mercosur, qui entrent directement en concurrence avec la production européenne, et fragilisent un peu plus l’agriculture française. Au premier rang des produits concernés : la viande bovine, d’où la colère des éleveurs qui a commencé à se manifester dès le 18 novembre.
Le regard est évidemment différent dans d’autres pays de l’Union européenne qui voient dans cet accord de belles opportunités : c’est le cas, par exemple, de l’Espagne qui peut compter sur un boom de ses exportations de vin ou d’huile d’olive, et de l’Allemagne qui espère, elle, exporter les produits de son industrie vers l’Amérique du Sud.
Au-delà d’une pression tarifaire inédite, la colère des éleveurs français vise aussi les conséquences sanitaires et environnementales de ce traité. « S’[il] est signé, des milliers de tonnes de viandes et de légumes pourraient être importées chez nous, sans avoir à se plier aux normes sanitaires en vigueur en France », observe France Bleu (17/11). Et d’interroger un professionnel : « En France, pour que ce soit un poulet Label Rouge, il doit avoir 91 jours minimum d’élevage en plein air et 80 % de son alimentation doit être composée de céréales françaises. Le reste, c’est ce qu’il picore dans les champs. »
Cet accord pose une autre question, fondamentale : celle de la souveraineté du pays. Il « ferait peser un risque substantiel sur la sécurité des approvisionnements agricoles […], portant de ce fait atteinte à la souveraineté alimentaire de l’Union », écrivent plus de 600 parlementaires français de tous bords, signataires d’une tribune parue dans Le Monde (12/11). L’interview du ministre de l’Industrie Marc Ferracci sur CNEWS/Europe 1 (17/11) sonne comme un aveu. C’est un « accord inacceptable » a-t-il déclaré.
Mais donc ? Même si la France s’oppose à cette décision, elle n’aurait donc pas d’autre choix que de se soumettre ? Oui, explique Le Figaro (17/11) qui rappelle les principes de fonctionnement de l’UE : « L’Union européenne semble déterminée à signer d’ici la fin de l’année cet accord de libre-échange […] au grand dam de la France qui le refuse, en l’état, et se mobilise. L’accord est adopté si au moins 15 pays représentant au moins 65 % de la population votent en sa faveur. » Un cas d’école. Emmanuel Macron aura-t-il été capable de faire valoir la position de la France lors du séjour en Amérique latine qu’il a entamé le 16 novembre ? Si le discours est ferme, son impact reste incertain : non seulement parce que les Sud-Américains considèrent favorablement cet accord, mais aussi – surtout ? – parce que la France est bien isolée dans l’Union européenne…