Pour les partisans d’une approche palliative de la fin de vie, l’espoir n’aura été que de courte durée. Loin d’être tombé dans les oubliettes parlementaires après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, le projet de loi sur la « fin de vie » – qui ouvre la voie à la légalisation de l’euthanasie – va revenir devant le Parlement par le truchement d’une proposition de loi déposée par Olivier Falorni : le député de Charente-Maritime en a fait son cheval de bataille, avec un acharnement difficilement compréhensible. Alors que les Français ont clairement tenté d’exprimer leur priorité lors des dernières élections législatives – à commencer par le retour à l’ordre et à la sécurité – l’insubmersibilité du serpent de mer euthanasique a de quoi interroger. Comment comprendre qu’un gouvernement, caricaturé comme une émanation posthume de La Manif pour tous – « Huit ministres Manif pour tous dans le gouvernement Barnier », titrait Libération le 3 octobre dernier… – soit peut-être celui sous lequel sera promulgué l’un des textes les plus transgressifs sur la fin de vie ?
Les frères à la manœuvre ?
Plusieurs indices ont récemment filtré dans la presse, laissant penser qu’une sorte de pacte – formel ou non – aurait été conclu pour donner à l’actuel Premier ministre de minces marges de manœuvre pour gouverner en sortant de la « tenaille » 49.3/motion de censure. Nul doute que les loges sont à la manœuvre. Initié au Grand Orient, le sénateur LR Pascal Allizard, qui vient de prendre la tête de la fraternelle parlementaire, transpartisane, n’en fait pas mystère : il souhaite mobiliser ses « ouailles » en faveur de l’euthanasie, comme l’indique La Lettre (14/10), paramètre non négligeable pour qui veut bâtir des majorités de circonstance au cours des prochains mois. Mais au-delà de ses ressorts occultes, le retour du texte devant la représentation nationale obéit peut-être aussi – et surtout – aux compromis inhérents aux jeux des équilibres politiques.
Du compromis à la compromission
Sauf qu’en l’espèce, il ne s’agit pas d’un compromis mais d’une compromission, comme l’observe l’avocat et éditorialiste Erwan Le Morhedec dans une tribune publiée dans La Croix (24/10). Plusieurs propos rapportés récemment dans les médias l’attestent. Rouvrir le dossier, « c’est un peu la contrepartie pour pouvoir avancer sur les dossiers liés à l’immigration », commente un proche de Michel Barnier, selon Europe 1 (16/10). « Barnier n’avait aucune obligation d’aborder la question de la fin de vie dans son discours de politique générale. S’il l’a fait, c’est pour faciliter l’adoption d’une loi sur l’immigration », aurait déclaré un député macroniste, rapporte encore Le Journal du Dimanche (20/10). Et Le Morhedec de résumer, de manière lapidaire : « Euthanasie contre immigration, c’est en effet la réalité brutale de la dernière combinaison politicienne : j’abandonne les vieux si tu largues les étrangers, je renie les migrants si tu lâches les malades. Le compromis ne coûte pas cher : on entend mal la voix des plus faibles depuis les lieux de relégation qu’on leur réserve et, dans un cas comme dans l’autre, l’acquiescement indolent de l’opinion publique apaisera le trouble déjà léger des consciences. »
Les soignants se mobilisent
Face à cette nouvelle configuration, ceux qui sont sur le terrain entendent de nouveau se mobiliser face à ce « coup de massue », une expression récurrente dans la bouche de ceux qui ont été dans les colonnes du Figaro (14/10). Comme bon nombre de citoyens, ils pensaient que l’arrivée dans les rangs du gouvernement de ministres proches de leurs convictions, comme Bruno Retailleau ou Patrick Hetzel, engagés contre l’euthanasie lors de la précédente législature, allait contribuer à sortir la question de l’agenda.
Interviewée dans Le JDNEWS (23/10), Claire Fourcade, la présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), fait part de son désarroi : « C’est l’incertitude complète. À nouveau, nous ne savons rien. Chaque jour, nous guettons la presse pour savoir s’il y a des changements. Nous sommes retombés dans cette incertitude qui pèse lourd pour nous. » Alors, à court terme, il s’agit de continuer à œuvrer à la généralisation des soins palliatifs et à l’amélioration de l’accès aux soins, tout en restant mobilisé contre l’euthanasie. « Nous resterons mobilisés pour redire notre certitude : donner la mort ne peut être et ne sera jamais un soin », assure encore Claire Fourcade.