Le voyageur qui, arrivant à Nîmes par la gare de la ville, se dirige à pied vers les arènes et le palais de justice, ne peut s’empêcher d’éprouver l’impression de fouler le sol d’une capitale.
Petite cité provinciale gallo-romaine, Nîmes a été élevée à la dignité impériale par Auguste et elle s’en souvient encore. Les arènes, la Maison carrée, les Jardins de la Fontaine disent cette noblesse à laquelle elle a été fidèle puisqu’elle a donné à Rome les meilleurs empereurs que celle-ci ait comptés : les Antonins. Pas exactement une dynastie, car seuls les deux derniers se sont succédé de père en fils mais, cooptés ou adoptés à la romaine, ils ont gardé la même tradition politique : le souci d’organiser la paix et la prospérité, « la tranquillité publique » des populations qu’ils gouvernaient. C’est probablement à eux que l’on doit ce souvenir dont le Moyen Âge avait la nostalgie : un empire à la fois un et divers car il était très décentralisé.
Les Antonins avaient deux soucis politiques :
– protéger les populations contre les invasions, qu’elles viennent du Nord, de l’Est ou du Sud, non seulement par les légions mais aussi, quand il le fallait, par l’édification d’un mur, comme celui qui existe encore en Grande- Bretagne que l’on nomme « le mur d’Antonin. »
– à l’intérieur, assurer la paix, la justice, l’essor des lettres et des arts.
Le visage de l’empereur était dur à l’extérieur, et « simple et doux » à l’intérieur. On dit que c’est par sa simplicité et sa douceur que le premier des Antonins, Antonin le Pieux, toujours présent à Nîmes par un square qui porte son nom, gagna la confiance du Sénat et celle de l’empereur Hadrien qui l’adopta et lui confia l’empire. Antonin fut un grand politique mais un mari malheureux. Bafoué par sa femme, il eut cependant la grâce d’avoir une fille chérie qu’il maria à Marc-Aurèle, dont il fit son successeur sur les conseils d’Hadrien. Ne faisons pas d’anachronisme, Antonin n’était pas chrétien mais porte ce qualificatif de « pieux » car il fut l’un des derniers empereurs à honorer les divinités romaines.
Les « Pensées » de Marc-Aurèle
La sagesse de Marc-Aurèle a traversé les siècles puisque ses Pensées pour moi-même sont présentes chez Blaise Pascal et chez Alain. Gustave Thibon aimait raconter comment il avait mis en difficulté un grand dignitaire du Parti communiste qui voulait le convaincre, selon le dogme marxiste, que « l’histoire de l’humanité des origines à nos jours n’est que l’histoire de la lutte des classes ». Thibon lui opposa l’exemple de Marc-Aurèle, empereur du monde qui s’était fait disciple d’Épictète, esclave vendu sur le marché à Rome et dont la philosophie était devenue la maîtresse à penser de l’empereur. À cet exemple, le marxiste avait répliqué par une question : « Quelle est votre origine sociale ? » Et comme Thibon lui disait cette origine, le marxiste s’était exclamé : « Ah ! petit propriétaire terrien, toutes vos réticences s’expliquent. » Ainsi le dialogue devenait impossible avec un homme ne discutant pas les arguments mais les disqualifiant par l’origine sociale de celui qui les avançait.
Mais revenons à Nîmes dont le centre historique, appelé l’Écusson, a été magnifiquement restauré. Un peu trop léché cependant, comme souvent les centres historiques où l’on ne trouve plus que rues piétonnes et terrasses de restaurants. Mais les faubourgs qui conduisent vers les quartiers populaires partent de ce centre et y arrivent, l’irriguant d’une population qui en fait la vie.
Le prestige des arènes
La seule ombre est la construction d’une « Nîmes 2 » occupée de façon quasi totale par une population immigrée d’Afrique du Nord, ou maintenant d’Afrique subsaharienne, qui peine à s’intégrer. Il est difficile d’incriminer les édiles locaux des résultats d’une politique ou d’une absence de politique dont l’État central est responsable. Les Antonins n’auraient jamais fait comme cela.
On ne peut oublier que Nîmes est aussi la capitale de la tauromachie. Le prestige de ses arènes le dispute à celui de Séville ou à celui de sa ville sœur et rivale, Arles. Ses férias célèbrent ce qui est plus qu’une tradition. Les « aficionados » de Nîmes ont une telle compétence qu’ils font en pratique la consécration du toréro qui deviendra « el numero uno ».
La vigueur des traditions
Bien que tournée vers l’Espagne, à cause des taureaux, Nîmes est de langue d’oc et c’est à Nîmes que le Père d’Alzon, qui fonda le lycée qui porte encore son nom, soutint et promut Frédéric Mistral dont l’œuvre majeure, Mireille, était à l’époque combattue par des cabales aixoises. C’est en racontant à Mireille, le soir à la veillée, les courses de Nîmes que Vincent conquit la jeune fille qui dit à sa mère : « Je l’écouterais parler toute la nuit. »
La capitale n’est pas morte, un peu endormie parfois, son passé vaut bien un pèlerinage et la vigueur de ses traditions la rend toujours chaleureuse.
Pour aller plus loin :
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- « Jésus, Marie et Joseph ont connu cette maison »
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies