Le cardinal Daniélou et les religions - France Catholique
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Le Liban chrétien
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Le cardinal Daniélou et les religions

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Jean Daniélou avec Giorgio La Pira.

Jean Daniélou (à droite) en 1953, avec Giorgio La Pira.

C’était quelques semaines avant sa mort. Le cardinal Jean Daniélou m’avait reçu dans son bureau de la rue Notre-Dame-des-Champs. Je n’ai eu, avec lui, que cette longue conversation, mais sa pensée, son enseignement étaient présents en moi depuis mes années de formation. J’ai toujours eu le sentiment que ce religieux profond était vraiment un maître éclairé, fort de sa connaissance de la tradition chrétienne, notamment des Pères de l’Église, mais aussi attentif aux conditions présentes de l’évangélisation, avec une connaissance aiguë de la culture contemporaine.

Ce que j’appréciais aussi, c’est qu’il dépassait sa fonction de professeur, pour porter la Parole dans le public, y compris face aux médias. Mais, contrairement à ceux qui tombent dans le piège d’une captation par le système, il savait la faire retentir aux vraies dimensions du mystère chrétien.

Intelligence de la Tradition

D’une certaine façon, je ne me suis jamais consolé de la mort du cardinal Daniélou, ayant le sentiment qu’il serait très difficile de remplacer ce témoin de la foi, devant qui chacun était obligé de s’incliner, ne serait-ce qu’en raison de la vigueur de son intelligence. Mais voilà déjà cinquante ans qu’il nous a quittés, et je revois la cérémonie à Notre-Dame, remplie notamment de jeunes gens et de ces Sévriennes dont il avait été si longtemps l’aumônier.

Il est heureux que la revue Communio publie un numéro d’hommage au théologien qui a aussi marqué ses origines. En une centaine de pages, ce qui est une gageure, se trouve ainsi concentrée la substance du travail considérable du chercheur. À commencer par sa théologie du judéo-christianisme, qui permit de prendre connaissance de l’émergence du christianisme à partir du judaïsme. C’est un apport précieux à l’intelligence de la Tradition, qui trouve encore ses prolongements aujourd’hui. L’étude des Pères de l’Église en est la suite naturelle. Elle aboutira à la création de la collection « Sources chrétiennes » aux éditions du Cerf.

On pourrait s’attarder sur un sujet récemment abordé par notre journal. Comment comprendre l’existence des autres religions et leurs différences avec la Révélation chrétienne ? Jean Daniélou ne mésestime nullement l’importance d’un tel patrimoine qui se rapporte à une humanité en quête de sens. Mais il ne faut pas se tromper. Les religions étrangères à la tradition judéo-chrétienne sont des créations humaines. Ainsi que l’écrit Marcelo Bravo Pereira : « Leur autorité n’est pas divine, mais humaine. Et ce n’est pas tout. Le plus souvent, elles ont même été une barrière qui a déformé l’expérience religieuse et sont devenues un obstacle à la Révélation biblique. »

Adversaire des déviations post-conciliaires

Il s’agit de se garder de la tentation de l’éclectisme ou du syncrétisme qui malheureusement compromet ce qu’on appelle « dialogue interreligieux ». Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, Jean Daniélou affirme à la fois son ouverture intellectuelle mais aussi son orthodoxie théologique, qui n’a rien à voir avec on ne sait quelle sécheresse intellectuelle. Elle est simplement guidée par la foi surnaturelle. Ce qui explique pourquoi celui que Paul VI avait fait entrer au « Sacré Collège » se fit l’adversaire résolu des déviations postconciliaires. Il ne craignait pas de s’en prendre à ceux qu’il appelait « les assassins de la foi ».

Pourtant, il avait été à l’origine de ce qu’on a appelé les ouvertures conciliaires. Ce dont témoigne un article retentissant dans Les Études en 1946, repris dans ce numéro de Communio. On sait gré aux responsables de cette revue d’avoir remis en lumière la personnalité singulière de ce fils de saint Ignace. Comme l’écrit Marguerite Léna : « Ce perpétuel actif était capable de s’immobiliser dans la prière ; plongé, en Dieu, il tressaillait à tous les besoins du monde ; ouvert à toutes les idées, il revenait continuellement à la Parole de Dieu ; passionné par l’ici-bas, il était nostalgique du Sacramentum futuri. »