Baugé-en-Anjou. Au cœur de ce charmant village du Maine-et-Loire, où les maisons en pierre de tuffeau sont bordées de pieds de vigne, se trouve une communauté religieuse d’une vingtaine de sœurs. Fondée le jour de la Pentecôte, le 23 mai 1790, en pleine Révolution française, la congrégation des Filles du Cœur de Marie prie ici depuis plus de deux siècles, avec l’humble mission d’adorer le Seigneur et de servir les pauvres dans le mystère de la compassion de Marie au pied de la Croix. Une vocation d’autant plus incarnée que cette congrégation détient un précieux trésor : une vénérable relique de la Vraie Croix du Christ. « C’est toujours émouvant, confie Sœur Claire Monique, la Mère supérieure, tandis qu’elle la présente à la vénération. J’ai toujours une pensée pour Marie qui s’est tenue debout au pied de cette Croix. Tenir entre mes mains un morceau du bois sur lequel le Christ a tant souffert génère en moi un infini et profond respect. »
Double traverse
Cette croix à double traverse, en chêne d’Orient et parée de somptueux joyaux, est reconnue comme l’une des plus importantes reliques de France. C’est le second plus grand morceau de la Vraie Croix, derrière celui du Trésor de Notre-Dame de Paris. À ce titre, elle est classée aux monuments historiques depuis le 15 juin 1976. Mais c’est surtout un trésor spirituel et mémoriel que détiennent les religieuses, depuis son acquisition par Mère Anne de la Girouardière : cofondatrice de la congrégation avec l’abbé René Bérault, celle-ci l’achète alors que cette Sainte Croix était mise en vente comme bien national. « J’y vois comme un clin d’œil du Ciel, témoigne Sœur Sophie, économe de la congrégation. Nos fondateurs nous ont consacrées au mystère de la compassion de Marie au pied de la Croix, et la même année, le 17 octobre 1790, cette Croix arrive dans notre communauté ! » Sœur Claire-Monique abonde : « C’est le plus bel héritage que l’on puisse avoir. »
Un trésor qui vaut bien un bel écrin. Voilà pourquoi, avec le soutien de l’évêque d’Angers, Mgr Emmanuel Delmas, la congrégation a entrepris d’ériger un nouveau sanctuaire permettant la contemplation permanente de la Croix. Un sanctuaire répondant à cette invitation du pape François : « Un espace pour prier, pour être consolé et pour regarder l’avenir avec plus de confiance. » Actuellement, la relique n’est exposée qu’aux grandes fêtes religieuses ou sur rendez-vous. Les travaux, qui débuteront fin septembre, permettront de porter ce double objectif : spirituel – faire davantage connaître et honorer la Vraie Croix – et patrimonial – embellir la chapelle. Un projet d’envergure porté par la congrégation, bien entourée d’actifs bénévoles, les « Amis et Ambassadeurs de la Vraie Croix d’Anjou ». Une campagne d’appel à la contribution des bienfaiteurs sera officiellement lancée le 14 septembre, pour la fête de la Croix glorieuse. « Les dons commencent à arriver, précise l’un de ces bénévoles, Philippe Clogenson. Nous tenons à respecter le planning ».
Pèleriner vers la Vraie Croix
Ainsi, en concertation étroite avec l’abbé Bertrand Chevalier, responsable diocésain de l’art sacré et recteur de Notre-Dame de Béhuard, et la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), les Sœurs ont réfléchi à « ce que la Croix reste bien dans son écrin, c’est-à-dire la chapelle, et que le pèlerin et le visiteur comprennent bien qu’il s’agit d’une chapelle et ne fassent pas l’impasse sur le Christ, le plus important. Donc il faut absolument qu’ils voient l’autel et le tabernacle en premier », insiste Sœur Sophie. Plusieurs espaces seront aménagés : un espace sacré pour le beau, le silence et la prière ; un espace d’accueil et un espace pédagogique pour découvrir l’histoire de la Vraie Croix et de la congrégation. Dans la chapelle, un grand livre ouvert, dressé comme un paravent pour protéger la relique, invitera le visiteur à pèleriner vers la Vraie Croix. Sur ce grand livre, une croix à double traverse et cette citation de Mère Anne gravée en lettres d’or : « La Croix et les pauvres sont les deux trésors qu’en mourant je lègue à mes Filles. »
Comme pour l’île voisine de Béhuard, il s’agit de transformer le touriste en pèlerin. « C’est bien un sanctuaire, donc d’abord et avant tout un lieu de prière et de sacrements, souligne Sœur Sophie. Et qui dit sanctuaire dit recteur. » La communauté, entourée des paroissiens du village, se réjouit donc de bénéficier prochainement d’un prêtre à demeure et d’une nouvelle dynamique spirituelle insufflée. Rendez-vous le 8 juin 2025, en la solennité de la Pentecôte pour l’érection avec bénédiction du siège apostolique, et bénédiction du sanctuaire de la Vraie Croix d’Anjou. Et en cette journée anniversaire de leur fondation, les religieuses renouvelleront comme chaque année leurs vœux perpétuels. Une grande fête témoignant des ferments de renaissance spirituelle de la France, qui émergent çà et là dans notre pays sous l’impulsion du Saint-Esprit.
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Pour soutenir le projet : congregation-girouardiere.fr
contact@vraiecroixdanjou.com
DE LA CROIX D’ANJOU À LA CROIX DE LORRAINE
C’est un croisé, Jehan d’Alluye, qui la ramène de Terre sainte en 1241 et la remet à l’abbaye de la Boissière, à Denezé-sous-le-Lude. Elle est conservée à la chapelle du château d’Angers durant la guerre de Cent Ans, sous la garde des ducs d’Anjou. Très vénérée par les ducs d’Anjou et de Lorraine, à la suite du mariage de René d’Anjou avec Isabelle de Lorraine, la Vraie Croix d’Anjou – à double traverse – fut prise comme emblème héraldique de la Lorraine, après la victoire de René II d’Anjou sur Charles le Téméraire à la bataille de Nancy, le 5 janvier 1477. La Croix d’Anjou devient alors Croix de Lorraine.
La Vraie Croix est proposée et adoptée comme signe de ralliement des armes alliées, face à la croix gammée, pendant la guerre 1939-1945. Emblème de la France libre et de la Résistance, la Vraie Croix est alors appelée Croix de la Libération.