De Tours à Chartres, un pèlerinage royal - France Catholique
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De Tours à Chartres, un pèlerinage royal

Ils ont suivi la Loire, depuis Tours, puis sont remontés jusqu’à Chartres. Ils ont côtoyé Ronsard, Villon, Dunois et Jeanne la Pucelle. Jacques Trémolet de Villers raconte, en cette rentrée, le périple de deux jeunes marcheurs.
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© Julia Casado

Ils s’appellent Ange et Auguste, ils n’ont pas 36 ans à eux deux. Dans les premiers jours de l’année 2024, ils sont partis à pied, de Tours, pour rejoindre Chartres et m’ont confié les souvenirs de leur pèlerinage.

De la cité de Martin, apôtre des Gaules, deuxième ville de pèlerinage après Rome pendant tout le Moyen Âge – « cette bonne ville de Tours dans laquelle je n’ai jamais pleuré », comme disait Jeanne d’Arc –, ils ont pris le chemin ligérien vers Amboise. J’ai alors évoqué pour eux le sépulcre de Ronsard qui fut retrouvé par la marquise de Maillé après avoir dénoncé un tombeau où était enterré un faux Ronsard, d’où le sonnet qu’écrivit alors le poète Charles Maurras : « Venez : notre Ronsard est sorti du tombeau,/disent d’Amboise à Tours par les prés et les vignes,/les belles au long cou, blanches comme des cygnes,/des royales amours authentiques flambeaux… »

La terrasse des Valois

La première étape de nos jeunes marcheurs fut donc Amboise, son château royal, ses toits d’ardoises et la dernière demeure de Léonard de Vinci. Ils se sont arrêtés sur la terrasse d’où « (…) les derniers Valois / Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire » (Péguy). Ils ont contemplé la dentelle de pierres de la chapelle Saint-Hubert réalisée par les meilleurs maîtres maçons flamands travaillant au service de la reine Anne de Bretagne.

Puis, longeant le fleuve, ils sont passés au pied de Chaumont et ont traversé la Loire pour rejoindre le merveilleux château de Blois, cours d’architecture à ciel ouvert, lieu de poésie, d’amour et de tragédie : tournois de ballades organisés par Charles d’Orléans où brilla François Villon, première rencontre de Ronsard et de sa muse Cassandre un soir de bal, art transalpin des jardins, assassinat ou exécution du duc de Guise…

Après une nuit passée dans l’étonnante cathédrale Saint-Louis, ils sont partis pour Châteaudun. Ils ont encore emprunté les pas de Ronsard en longeant le ravissant château de Talcy, demeure du florentin Bernard Salviati, père de la belle Cassandre.

Après une marche dans les champs d’hiver de la Beauce, ils ont aperçu Châteaudun dominé par le château du bâtard d’Orléans et sa majestueuse vis gothique. Territoire de Dunois, compagnon de Jeanne et général en chef de l’armée de Charles VII. Dunois racontait, dans le procès dit de réhabilitation de Jeanne, comme elle lui avait reproché l’itinéraire qu’il lui avait fait prendre et que, pour se défendre, il avait invoqué un vent contraire. La Pucelle lui avait alors répondu que le vent tournait et le vent se mit à tourner.

La traversée de la Beauce

Pour nos deux marcheurs, le vent et la pluie tournoyaient mais n’entamaient pas leur enthousiasme à rejoindre la capitale des Carnutes. Ce pays, vieille terre de France et de chrétienté, fut d’abord une terre gauloise où régnaient les druides savants et une vieille croyance évoquait la Vierge qui devait enfanter…

Tout au long de la traversée de la Beauce, ils n’ont pas oublié de réciter les vers de Charles Péguy présentant la Beauce à Notre-Dame de Chartres. Arrivés au pied de la cathédrale, fourbus mais heureux, ils ont, comme le pèlerin Péguy, salué Notre-Dame : « Tour de David, voici votre tour beauceronne. / C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté / Vers un ciel de clémence et de sérénité / Et le plus beau fleuron dedans votre couronne. »

Ainsi, des Gaulois aux Romains, de François Villon, Pierre de Ronsard à Charles Péguy et des Carnutes à la Vallée des rois, de Jehan Dunois à Jeanne d’Arc, ils avaient retrouvé par leurs pieds et l’enthousiasme de leur jeunesse le « saint royaume de France ».

La terre, les chemins, le fleuve, les églises et les châteaux parlent plus que tous les discours ; la poésie l’emporte sur les démonstrations. La Beauté, même hivernale, s’imposant à eux, fit déborder leur cœur.