«La famille qui prie ensemble reste ensemble. » Cette phrase célèbre résume à elle seule l’inlassable action pastorale du vénérable abbé Peyton, qui d’ailleurs en avait fait sa devise. Promouvoir la prière du Rosaire au sein des familles, telle fut en effet l’intuition qui l’a guidé tout au long de son sacerdoce. À l’origine, notre homme n’a pourtant rien d’un « enfant de Marie ». Il naît à Attymass en Irlande dans une famille comptant neuf enfants, très pieuse, qui vit modestement. En 1928, il émigre aux États-Unis où se sont déjà installées ses deux sœurs. Certes, il a déjà la foi – il a même déjà songé à devenir prêtre – mais un seul projet l’anime alors : faire fortune. Un an avant le krach de Wall Street et la Grande Dépression, au crépuscule des « Roaring Twenties » (« Années vrombissantes »), l’Amérique reste la terre de tous les rêves et de tous les possibles.
Une rencontre qui change sa vie
Il faut une rencontre – celle d’un prêtre, l’abbé Kelley – pour que Patrick change radicalement de voie. Il entre au séminaire de la Congrégation de la Sainte-Croix, fondée au milieu du XIXe siècle par un Français, le bienheureux Basile Moreau. En 1941, il est ordonné prêtre. Sa dévotion pour la Sainte Vierge est immense depuis qu’il estime lui devoir la guérison inespérée d’une tuberculose qui l’avait frappé en 1938.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’abbé Peyton est affligé par l’ampleur de la tragédie et par les conséquences du conflit sur les familles américaines. Promouvoir la paix et consolider les foyers deviennent pour lui des objectifs prioritaires. Il a en tête l’épisode de la bataille de Lépante (1571) : grâce à la prière du Rosaire, la flotte chrétienne y avait vaincu leur adversaire ottoman, ce qui permit de préserver la paix sur le continent européen. « La seule chose que je veux faire dans ma vie est d’en consacrer chaque minute à replacer la prière du Rosaire au cœur des familles », dira-t-il un jour.
Des foules immenses
Pour diffuser partout l’amour de la Vierge Marie, le prêtre veut recourir aux moyens de communication les plus modernes, alors que les médias de masse – presse, radio, cinéma, et bientôt télévision – se développent de manière exponentielle. Soutenu par la star du 7e art et de la chanson Bing Crosby, il lance sa première émission radio le 13 mai 1945, cinq jours après la capitulation allemande, et alors que les soldats américains se battent encore contre les Japonais dans le Pacifique. C’est le début d’une aventure étonnante. L’émission s’installe dans le paysage médiatique, encourageant à chaque épisode la prière du Rosaire. Une société de production, Family Theater Productions, est créée en 1947 pour concevoir des programmes destinés à différents supports. Les soutiens se multiplient, à commencer par celui de figures de Broadway ou d’Hollywood – on songe notamment à Grace Kelly ou à Gregory Peck – ou de puissantes organisations catholiques comme les Chevaliers de Colomb.
L’action de l’abbé Preyton suscite un engouement massif. La « croisade du Rosaire en famille », dont il est l’initiateur, draine des foules immenses lors des rassemblements – dont les fameux « rallyes du Rosaire » – qu’il organise, d’abord aux États-Unis, puis sur l’ensemble du continent américain et dans le monde entier. On en compte 540 au total, dont certains connaissent des affluences record, comme celui de São Paulo, au Brésil, en 1965, qui réunit près de 2 millions de personnes, ou celui de Manille, aux Philippines, en 1985, où se pressent autant de participants dont beaucoup participeront à la résistance pacifique au dictateur Ferdinand Marcos. Tout au long de son ministère, près de 28 millions de personnes auraient assisté à l’une de ses prédications ou de ses interventions. En 1992, le Père Peyton s’éteint paisiblement. Ses derniers mots sont pour la Sainte Vierge à qui il a consacré toute sa vie : « Ô Marie, ma Reine, ma Mère… » Il a été déclaré vénérable en 2017 par le pape François et la cause de sa béatification est ouverte.
Le Prêtre du Rosaire, de Jonathan Cipiti, durée : 1 h 11,
DVD Saje Distribution, 16,99 €.
Pour aller plus loin :
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Jean-Paul Hyvernat
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?