L'Immaculée Conception, remède à l'esprit révolutionnaire - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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L’Immaculée Conception, remède à l’esprit révolutionnaire

Proclamé il y a 170 ans par Pie IX, le dogme de l’Immaculée Conception est un formidable secours pour la foi catholique.
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Proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, 1859-1861, Francesco Podesti, Musées du Vatican, salle de l’Immaculée-Conception. © Fabrizio Garrisi / CC by-sa

L’on demandera souvent à Bernadette Soubirous si les apparitions de Lourdes avaient une dimension politique. La voyante de Lourdes répondra par la négative. Et pourtant : l’Immaculée Conception n’est-elle pas, en elle-même, un message politique ? L’affirmer peut étonner aujourd’hui, dans une société ayant perdu de vue les enjeux de la lutte entre la Cité de Dieu et celle du prince de ce monde. Pourtant, opposer un modèle catholique au paradigme révolutionnaire fut l’intention du bienheureux Pie IX, qui promulgua le dogme.

Faux libéral

Lorsqu’il est élu pape en 1846, Mgr Mastai Ferretti, passe pour un libéral acquis à l’unité italienne. Mais le prélat, qui choisit le nom de Pie IX, ne peut se résoudre à renoncer aux États pontificaux, ni légitimer l’insurrection, par les partisans de l’unité, contre l’Autriche qui gouvernait le nord du pays. Cette « trahison » provoque en novembre 1848 une révolution sanglante qui le contraint à se réfugier à Gaète, au sud-est de Rome. Au cours de cet exil, il réfléchit au phénomène révolutionnaire, révolte contre Dieu et Sa Loi de la part de sociétés jadis chrétiennes. Désormais, pour le pape, il ne peut plus y avoir de compromis entre le monde des Lumières et l’Église si celle-ci veut demeurer fidèle à sa mission. Dénoncer l’ennemi ne saurait suffire. Il faut offrir une autre approche. Celle-ci, dans une dimension providentialiste, sera spirituelle.

En 1849, Pie IX exilé contemple la Méditerranée agitée par la tempête. Le cardinal Lambruschini, ancien secrétaire d’État lui aussi réfugié à Gaète, lui dit : « Très Saint-Père, vous ne pourriez mieux guérir le monde qu’en proclamant le dogme de l’Immaculée Conception. Seule cette définition dogmatique pourra rétablir le sens de la vérité chrétienne et tirer les intelligences des voies du naturalisme où elles s’égarent. »

Un dogme toujours cru

L’affirmation – que l’Église a toujours crue avant même de promulguer le dogme – selon laquelle Marie, en vertu des mérites à venir de son Fils, a été dès sa conception préservée du péché originel, ne semble pas avoir, au premier abord, de signification politique. Mais elle englobe deux vérités essentielles de la foi : la réalité du péché originel d’une part et, de l’autre, la nécessité d’un Rédempteur à même de réconcilier l’homme avec son Créateur et le sauver de la perdition. S’y ajoute le verset 15 du troisième chapitre de la Genèse, surnommé « protévangile » où Dieu, s’adressant au serpent – c’est-à-dire le Diable –, dit : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. »

Or, qui est Lucifer, sinon le premier révolutionnaire, celui qui refuse éternellement de servir le Roi et tente de prendre sa place ? Et qui est Marie, sinon celle qui, dans son humilité, se dit servante du Seigneur quand l’Archange lui promet qu’elle enfantera l’Incréé, le Tout-Puissant, lui révélant qu’elle est « la nouvelle Ève », sourde au démon sans aucun pouvoir sur elle ? Marie, « forte comme une armée rangée en bataille », telle que l’évoque l’Apocalypse, triomphera toujours du démon, des hérésies, folies, mensonges qu’il suscite. Cette certitude suffirait à justifier le recours du pape à Notre-Dame dans ce combat contre l’esprit révolutionnaire, ultime avatar de la stratégie démoniaque.

La Rédemption vidée de son sens

Mais, pourquoi ce dogme plutôt que celui de l’Assomption auquel Pie IX avait aussi songé ? Parce qu’il s’oppose à l’entreprise de déconstruction philosophique de l’enseignement chrétien entamée avec Descartes, poursuivie jusqu’à Hegel, trouvant son apogée dans l’affirmation de Rousseau : « L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt », qui nie le péché originel et donc la nécessité de la Rédemption. En effet, si l’homme n’a pas péché, il n’a pas besoin d’être racheté. La conséquence ultime du raisonnement étant la volonté de destruction de la Révélation chrétienne afin, estimaient-ils, de libérer l’humanité, majeure et adulte, d’un Dieu dont elle n’a plus besoin, capable de voler par elle-même de progrès en progrès à la conquête d’un bonheur naturel et matérialiste…

L’Immaculée Conception rappelle, au contraire, que l’humanité, depuis la faute de nos premiers parents, naît atteinte d’une maladie génétique mortelle : ce péché originel dont seul le Christ, par son Incarnation et sa Passion, la sauve. Quant à Marie, ayant échappé à la malédiction héréditaire, elle peut détruire l’hérésie moderne comme elle triompha des autres. Telle était la prophétie de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, dont on venait de retrouver le Traité de la vraie dévotion, après des années où le livre avait disparu.

La médaille miraculeuse

N’est-ce pas ce que Notre-Dame dit, le 19 juillet et le 27 novembre 1830, rue du Bac à Paris à Catherine Labouré, lui découvrant les malheurs qui fondront sur la France, dès la fin de ce même mois ? Marie met en garde contre la révolution qui dépossédera Charles X, ouvrant la voie aux catastrophes. Le roi de France chassé, la croix sera jetée au sol, et parce que la croix sera abattue, le sang coulera, de grands malheurs affligeront le monde. Le remède sera de recourir à elle, comme l’indique l’inscription de la médaille miraculeuse qu’elle révèle : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. »

Cela, Pie IX le sait. Pour lui, « Marie est la Vierge très bienheureuse qui a confondu et détruit toutes les hérésies et détruira aussi celles enracinées dans le rationalisme qui, en ces temps très malheureux afflige et tourmente non seulement la société civile mais aussi l’Église ». D’ailleurs, le phénomène solaire qui éclaire Saint-Pierre le 8 décembre 1854 lors de la promulgation du dogme par la constitution apostolique Ineffabilis Deus, physiquement impossible en ce lieu à cette date, paraît assentiment miraculeux à sa décision. Tout comme le choix de Notre-Dame à Lourdes, le 25 mars 1858, de se définir par son premier privilège en disant à Bernadette : « Je suis l’Immaculée Conception. »

Permanence du dogme

Pour les dix ans de la proclamation du dogme, le bienheureux Pie IX publiera l’encyclique Quanta cura ainsi que le Syllabus, condamnant tous deux les erreurs modernes. Son successeur, saint Pie X, reprendra l’argumentation à l’occasion du cinquantenaire d’Ineffabilis Deus en 1904, décrivant le dogme de l’Immaculée Conception comme « extraordinaire antidote à l’avalanche d’erreurs des ennemis de la foi ».

Certains pourraient objecter que le remède proposé par Pie IX n’a pas porté ses fruits. Mais sans doute faudrait-il se demander si, vraiment, nous avons recouru à Marie conçue sans péché, et réclamé les grâces qu’elle veut nous dispenser.