Né en 1917 à Tours, René passe sa jeunesse dans une famille unie et très pieuse. Il entre au séminaire des Carmes à l’âge de 17 ans. Quand il évoque sa vocation religieuse, il rappelle, dans ses Mémoires, l’importance de l’environnement à la fois familial et extra-familial : « L’exemple de mes parents et de bons prêtres, tout un ensemble de convictions, de prédications, de lectures m’avaient formé au sérieux de la foi et à l’évidence simple et fondée qu’il n’y a rien de plus essentiel que Dieu. »
Ordonné un 8 décembre
Mobilisé pendant la guerre, le jeune séminariste est fait prisonnier au mois de mai 1940, puis interné à l’Oflag IV-D en compagnie de plusieurs prêtres et intellectuels. Ils décident entre eux de monter une sorte d’université au sein de la prison, chacun enseignant sa spécialité. Ainsi, René Laurentin suit les cours de philosophie de Jean Guitton et donne des cours d’hébreu. Il assiste aussi à un cours de mariologie dispensé par un père dominicain. Ces années de captivité lui donnent du temps pour réfléchir et pour approfondir sa dévotion envers la Vierge Marie, dévotion qu’il avait héritée de son enfance sans avoir jamais eu l’occasion de l’interroger sérieusement. C’est dans l’Oflag qu’il fait la consécration à Marie de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, acte central à ses yeux.
René Laurentin est ordonné prêtre le 8 décembre 1946, date particulièrement mariale, comme il le souligne lui-même. Il décide de continuer ses études de théologie et s’oriente vers une thèse. La force de sa dévotion le pousse à choisir un sujet sur le sacerdoce de la Vierge Marie. C’est un thème difficile, car problématique et discuté. Il considère cependant que c’est un sujet stimulant, au carrefour de toutes les grandes questions théologiques fondamentales. Ce choix témoigne de sa curiosité intellectuelle et de sa liberté d’esprit : prendre un sujet consensuel et balisé ne l’intéresse pas. René Laurentin est un très grand travailleur, la somme des recherches qu’il effectue lui permet de soutenir deux thèses, l’une en histoire et l’autre en théologie.
Il commence très tôt à s’intéresser aux apparitions. En 1952, l’évêque de Tarbes et Lourdes lui demande de travailler sur une théologie de Lourdes. Le jeune prêtre décide alors de vérifier les fondements historiques des apparitions, qui, à cette époque, ne sont pas clairement établis. On ne connaît même pas avec précision le nombre des apparitions, ni les paroles de la Vierge à Bernadette. Laurentin est le premier à pouvoir accéder à tous les fonds d’archives concernant Lourdes et il réussit à définir précisément les dix-huit apparitions à Bernadette ainsi que les douze paroles de la Vierge Marie. Il publie finalement une monumentale histoire des apparitions de Lourdes, en six volumes, qui reste la référence absolue sur le sujet.
Le concile Vatican II
En 1960, Laurentin est nommé expert à la commission théologique lors des travaux préparatoires du concile Vatican II. Il participe au concile en tant que théologien, mais aussi comme journaliste, responsable de l’information quotidienne pour Le Figaro. Laurentin est enthousiasmé par le concile. Dans son premier livre L’Enjeu du concile, publié en 1962, il explique que l’Église doit s’adapter au monde si elle veut éviter une crise très grave.
Cependant, le Père Laurentin est progressivement déçu par les suites du concile. Dans ses Mémoires, il se demande comment un concile « si admirablement réussi » a pu avoir « des suites, à bien des égards, si décevantes ». Il rajoute : « L’aventure optimiste du concile, ses libérations pour l’ouverture au monde ou pour des promotions nouvelles, occasionnèrent des dérives qui se sont révélées à mes yeux graduellement, les libérations tournant à la facilité et à l’abandon de la Tradition vivante. » Il donne ainsi l’exemple des prêtres-ouvriers. Supprimés en 1953, ils sont réhabilités au moment du concile, grâce notamment à sa propre intervention. Cependant, il constate avec tristesse que ces prêtres se sont par la suite « convertis à l’idéologie marxiste ».
Mère Yvonne-Aimée
Entre autres nombreux travaux, le Père Laurentin effectue d’abondantes recherches sur le cas de Yvonne-Aimée de Malestroit. Cette religieuse bretonne avait vécu de son vivant des phénomènes spirituels hors du commun – comme la bilocation – et le Saint-Office avait interdit en 1960 toute publication sur elle. En 1981, le cardinal Ratzinger lève l’interdiction, et Laurentin peut ainsi publier la première biographie de cette religieuse exceptionnelle.
Si on peut lui reprocher un manque de prudence ou de discernement sur des phénomènes controversés – Medjugorje – ou même condamnés par l’Église – Vassula Ryden –, il est indéniable que René Laurentin est un des plus éminents mariologues. Grâce à lui, l’étude des apparitions mariales a été entièrement revivifiée. À une époque où ce domaine était méprisé par beaucoup de théologiens, il a eu le courage de traiter ce sujet central pour l’épanouissement d’une foi catholique incarnée, qui aide le fidèle à développer la vertu de religion.
L’originalité et la richesse du Père Laurentin dans son travail sur les apparitions mariales sont liées à sa méthode d’analyse, au carrefour de plusieurs disciplines. Il est en effet capable d’allier les compétences du théologien, de l’exégète et de l’historien, ce qui lui permet de fournir une expertise très complète et de grande qualité. René Laurentin a mis en évidence le fait que la Sainte Vierge Marie intervient concrètement dans l’histoire des hommes et de l’Église.
À LIRE
Lourdes, récit authentique des apparitions, 288 p., éd. Desclée de Brouwer, 15,30 €.
Biographie d’Yvonne-Aimée de Malestroit, 5 vol., éd. François-Xavier de Guibert, disponible sur https://augustines-malestroit.com
Le démon : mythe ou réalité ?, 400 p., éd. Fayard, 28,50 €