Comment définir la crise politique que nous vivons ?
Peut-être comme la traduction institutionnelle paroxystique d’une tendance lourde, se traduisant par la perte de sens, de repères, de racines, d’autorité, de sentiments d’appartenance et d’appropriation culturelle. Le think tank conservateur avec lequel je travaille, l’Institut du Pont-Neuf, vient de consacrer un colloque à un penseur politique récemment disparu et dont on sous-estime l’apport théorique, Patrick Buisson. Dans ses deux derniers livres, La Fin d’un monde et Décadanse (Albin Michel), celui-ci a cartographié précisément les origines du délitement de la société française – qui se traduit notamment par une désaffiliation profonde, une dépolitisation et une indifférence au bien commun –, auquel certains électeurs vont toutefois réagir en sens inverse.
Allons-nous vers une crise de régime ?
Le concept est assez flou : s’il s’agit de savoir si la Ve République peut résister à ces turbulences, à la percée d’un parti naguère qualifié d’« anti-système », à une dissolution de l’Assemblée nationale, à une éventuelle cohabitation, etc., la réponse est sans hésitation « oui ». Elle en a vu d’autres, notamment lors des dissolutions de 1962 et 1968. Quant à savoir si nous allons vers une telle crise, je dirais que nous y sommes déjà, et depuis longtemps.
La France semble éclatée (villes/campagnes ; élite/peuple ; France périphérique…) : comment retrouver une unité ? Y a-t-il des valeurs sur lesquelles les Français pourraient se réunir ?
Il y a un siècle et demi, Renan définissait la nation par l’existence d’un riche héritage commun et le désir de poursuivre ensemble l’aventure. Avec les politiques que nous subissons depuis des décennies, la question est de savoir si un tel héritage commun existe encore, fondant ce que Renan appelait « un plébiscite de tous les jours ». Le cas échéant, c’est peut-être la prise de conscience des menaces qui pèsent sur cet héritage et, par suite, le souci de le conserver et de le reconstituer pour repartir qui pourrait permettre à la France de retrouver une unité.
Dans ce contexte, une parole d’Église pourrait-elle redonner de l’espérance ?
L’Église catholique constitue la part centrale de cet héritage : sans elle, sans Clovis, sans Saint-Louis, sans Jeanne d’Arc, sans Saint Vincent-de Paul, sans Bossuet, sans Péguy, sans Notre-Dame de Paris, sans la Sainte Chapelle, il ne signifie plus rien. Dans ce contexte, il est évident que l’Église a quelque chose à dire à la France, et que sans elle, rien ne sera possible ni durable.
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